26 décembre- Lecture

Lire de tout son corps
De retour sur terre
La vie est insipide

On ne fait pas les deux
Ce n'est pas vrai
Rien dans la nature
N'est à moitié
On ne peut vivre
Que dans un seul pays
Ou on est déchiré

Alors entre les livres et toi
Pour ne pas aspirer
A la disparition sans culpabilité
Je pense moi qu'il vaut mieux
Question de santé mentale
Se noyer dans les écrits des autres
Et demeurer en être insatisfait
De sa vie

Que de toucher du doigt l'insatisfaction
De vivre

Tu ne sauras jamais
A quel point je t'ai cherché
Ma terre du milieu
J'aurais voulu t'écrire un livre
En puisant mon espoir
Sur les flancs de ta désespérance
Et nous donner ainsi
Une raison d'être en vie

Mais sais-tu seulement
Que je t'écris des poèmes?
Et que sans toi... rien
Qu'importe
J'ai besoin de tes yeux
Ou sans lune ma plume erre
Et je deviens une ombre

25 décembre- Lanterne

Parmi les houles de nuages
Au sombre ramage
J'ai cru distinguer
Une flamme vacillante
Lanterne du marin

Mon coeur avait pensé
Entrelacer nos mains
Et nous arrimer à l'aube
De demain

La voici ce matin
Auréolée de sang
Et je serre les poings

24 décembre-Noël

C’est Noël
Les amis sont absents

Les groupes disloqués
Et les rues désertes
Chacun est reparti
De là où il vient


Affres et vie,
Conflits et douleurs
En suspend pour un soir
C’est la trêve des confiseurs

En famille on sourit
Et on fait comme si

Les enfants se suspendent aux étoiles
Et autour du sapin, générations réunies
On cesse un instant
De quérir les fragments
D'une raison de vivre

Disparus l’amoureux, l’amant, l’ami
Tu redeviens le fils, ce grand enfant
Au monde sans le vouloir
Mais on t'a désiré
Et tu n’as rien à faire, à concéder ni à donner
Pour recueillir l’amour de ta maman


Accalmie d'une nuit
Et demain matin, petit prince?

23 décembre- Cadeau: deux poèmes de Louis Brauquier

Si vous ne connaissez pas ce poète, découvrez-le...

Mais plus chaud que l'amour, plus pur que l'amitié

Dépassant la mesure humaine qui te borne,
Forme d'un désespoir qui te fait espérer,
N'es-tu pas cet enfant pétri de solitude
Qui porte son tourment et son rêve à la mer?

Louis Brauquier- Liberté des mers


Peut-être un vieux regret des migrations lentes
Et le goût de l'ouest aux naseaux du matin;

Peut-être une promesse enchanteresse d'îles,
Faite à mi-voix par un voyageur imprécis;

Ou quelqu'ennui au long de corridors trop vastes
De la similitude évasive des jours;

Ou la mission d'appareiller une tristesse
Secrète qu'un ami me confie sans parler,

Me donnent ce désir de voir, un jour encore,
Autour du pont mouillé d'une vapeur du commerce

La pluie tomber sur l'océan Pacifique

Louis Brauquier- Liberté des mers

19 décembre- Affranchissement

Tout ne se dit pas ni ne s'écrit
Certains élans s'envolent
Depuis un regard, un sourire
Des actes ou dans un cri

S'affranchir...
Des mots et lettres
Cesser de lire ou d'écrire
Les pages et déliés en refuge
Les lettres sont fermées
Et les pages tournent, tournent
Sur elles-mêmes

Paraît que c'est dangereux
Douloureux et même mortel
Vivre c'est aussi les silences épais
Tissés d'espoirs en cocons
Un instant suspendu
Au creux de ta pupille
C'est un éclat de rires
Jeté à la face du monde
Ta main dans la mienne
Comme on scelle un destin
Mon sourire qui court
Des tripes jusqu'à mes lèvres
Et nos corps en aimants
Qui nous amarrent au monde
Nul besoin de dire
Ni de prouver
Vivre c'est le repos de mon âme
Lovée dans les alvéoles
De la tienne

Tout cela je ne l'écrirai
Ni ne le raconterai
Ne le dirai à personne
Mais lorsque je l'aurai vécu
Je te promets qu'alors
Je te donnerai ton nom

17 décembre- Froid

Dans le blanc du froid
La ville se fige

Les arbres ont déclaré forfait
Quelques fleurs se bagarrent
La Tour Eiffel en grande dame
Se drape de brume
Huileux, les flots de la Seine
Luttent contre le gel

Pour se tenir chaud
Canards et mouettes
Se regroupent
Découpent le ciel
En ombres chinoises

Paris se recroqueville
Ses toits de tuiles grises
Tentent d’échapper au ciel
Lourd de froid et de blanc

Sous les écharpes, les chapeaux
Ou les casques intégraux
On ne voit plus vos yeux

Seul le Grand Palais
Conserve ses oiseaux
Et toute son allure
Libellule d’acier
Il réfléchit le froid
De toutes ses facettes
Décuple chacun
Des rares rayons de soleil :
Il y eut la Reine des Neiges
Voici mon Roi du froid

A 17h précises
S’envolent les étourneaux

13 décembre- Par deux

L'un a mon corps
L'autre mon âme

Le premier me ramène sur terre
Pour m'élever vers le ciel
Le second est rêves
Et que la terre est belle!

Avec toi
Avec toi
Vraiment
Toujours
Chaque fois
Moi et les mois en émoi
Que je ne soupçonnais pas

Mais toi

Mais vous
Ni le premier
Ni le second
Ne me donnez finalement
Jamais quoi que ce soit

Chez toi et tes bras parenthèse
C'est moi qui trouve et prend
Chez toi, seigneur de mes pensées
C'est moi qui trouve et prend

Je peux m'oublier
Goûter
Là les reliefs de mon corps
Ici les récifs de mon âme
Mais il n'est d'avenir
Sans générosité

6 décembre- L'araignée

D’un fil tient au monde
Au nôtre trampoline
Descend, remonte
Rebondit, se suspend
Le long d’une corde
Qu’elle a puisée
En son ventre

L'araignée tisse la toile
Extirpe de ses tripes
Vers sa bouche en crochet
La substance
Des pattes en rouets
Elle tricote
Pas de masque
L’araignée fait peur
Aux enfants du matin, chagrin
Aux grands-mères du soir, espoir
Elle endosse l’image
Facettes de ses yeux
Assume son rôle
Là n'est pas l'essentiel

Solitaire
C'est à l’intérieur d’elle
Qu'elle trouve
Les nuées filandreuses
Qui l’aimantent au monde
Assurent son équilibre

La beauté d'une aube
Ruisselle sur sa toile
Elle y loge, y dort
Et capture ses proies

4 décembre- Ecrire, c'est facile

Comme l’amour
Elle est partout
C’est la misère

Vous ne la voyez pas ?
Quand voir devient savoir
Vous fermez les paupières
Evitez les regards
Du clodo dans la rue

Mais savez-vous seulement ?
La misère est partout
Il ne s’agit pas de cicatriser
Ses blessures le long
Des plaies béantes des autres
Nul n’a le monopole de la souffrance

Mais…

Dans les limbes du passé
Logée comme une balle
Au creux de leur histoire
Elle a tracé des angles
Aux cœurs de tes amis

Sur le pas de ta porte
Ton voisin rapièce
Les lacets de ses gosses

Quelques étages plus bas
Une mère seule ne peut
Acheter des cahiers
A ses mômes

Ils payent leur loyer
Empruntent tes escaliers
Et pas seulement
Crédits à gogo
L’un pour racheter l’autre
Paiement échelonnés
En marches qu’on descend
Plus bas, toujours plus bas
Rapetissent les mois
Déjà plus rien le 15
Et la cantine du p’tit…

Les écrans brillent,
Flambent comme des rêves
Achète, c’est à toi
Là une voiture
Ici tes prochaines vacances
Dans ton cabas
N’oublie pas, n’oublie rien
La nuit quand tu t’endors
Dresse ta liste de courses

La misère de la rue
De la caricature
De la littérature
Allons, soyons modernes
La misère est complexe

Traîne ses guêtres
Dans les rues de Paris
Sous des dehors bonhommes
Se déchaîne en furie
Dans les halls d’immeubles
Des cités HLM
Souffle son air putride
Dans les allées désertes
De nos banlieues dortoirs
Et gangrène les âmes

La misère c’est cette main
Sur ton front
Et tu baisses la tête
Condamné à marcher
Les yeux rivés au sol
Avec pour seul souci
D’éviter la merde
Le poids de tes souliers

Des rêves s’il y en avait
Transformés en langues
Oranges des réverbères
Stagnent au sol
Opaques ne montent guère
Nébuleuse est un mot à la mode

Alors un jour c’est trop
D’être petits
Toujours partout
Le monde sans horizon
Certains claquent un boulon
On les appelle fous

Et l’amour est partout
Mais il longe une route
En lacets rapiécés

29 novembre- Ta maison est en carton...

Des études pour gagner sa vie
Qu’on gagne chichement


Pour être logée, elle doit être petite
Peau de chagrin grignotée par le quotidien

Même hébergée elle n’a pas d’adresse
Méchanceté, malveillance

Même hébergée elle est souillée
Irresponsabilité, petites économies

Chaque jour gagner sa vie
La cloîtrer dans des maisons de carton
Mouchoirs de poche sans ciel

L'expérience en histoires
Pour vouloir sa vie

Mais celle des voisins résonne
Manger, tousser, roter
S’engueuler, baiser,
crier, parler
Ne plus entendre la sienne
Ce qu’elle souffle ni ses palpitations
Ses souvenirs ni ses envies
Sur papier, en musique
La coucher entre deux plages de silence

Idées et idéaux dans des cartons
On les ramène où ils sont nés
Chez papa et maman
Dans les bras de l’enfance

Parce que devenu grand
On n’a plus d’espace
Espoir rétréci
Contre intimité agrandie

Alors pourquoi
Vivre ainsi
Vivre ici
Rester là ?

Parce que Paris est belle
La Seine
Son ciel violine
Les vers des poètes
Tracent les chemins
Ouvrent les perspectives
Et je fais des photos
De la Tour Eiffel
Au fil des jours et des heures
Passent les jours, sonne l’heure…

24 novembre-Petit prince

Nous peinons
Lorsque nous voudrions peindre
Redessiner le monde
Adoucir l’espace d’un sourire
Du pinceau croquer un rire
Le barioler de couleurs vives
Tremplin pour le cœur
Ou le brosser pastels
Pour noyer les tourments
Préciser les contours
Ou les laisser s’enfuir
Parenthèses à souvenirs
Du bout du pinceau
Caresse d’un poil
Je relèverai les cheveux de lune
Qui perlent sur ton front
Tu verras alors le monde
Verras que c’est le mien
Tu me tendras la main
Pour que je t’y emmène
Petit prince

15 novembre- L'image

L’image est une puce
A l’oreille, aux paupières
Pique d’abord
Envoie ses vibrations
Se précise ensuite
Croît
Papillon déploie ses ailes
Primesautière en couleurs
Fait sa vie en mon âme
Déambule
D’airain ou plombée
Y sème
Ses cendres d’étoiles

Dans son vol tient ma vie
Elle me garde en mouvement
En alerte du sens
Subtilement la saisir
Du bout de la plume
L’apprivoiser, l'embrasser
La mettre sous cloche sans la toucher
Lui prodiguer soins, chaleur, l’interroger

Elle me dit tout alors
Me conte ses voyages
L’image comme l’idée
A fait du chemin
C’est ton visage qui dort
Une feuille d’automne
Un rayon d’or épinglé
Au verre d’un réverbère
Une flagrance dans la rue
La senteur d’une jacinthe
Une vague écrémée
La lumière moussue
Les racines du vent
Les rouleaux de l'océan

L’image est la rencontre
De tous les temps
En équilibre sur la seconde
De mon monde

14 novembre- Grèves

Paris ce matin n’a pas le même visage
Lavée par la pluie de la nuit
Le vent sec balaie les dernières saletés
Ca grouille
Marcheurs, vélos, rollers
Ca s’agite, ça palpite de taches vives
Partout
Cheveux au vent
Echarpes nouées

Jupes indociles
Aux feux les gens se parlent

Les pneus qui freinent
Sur le bitume gras
Imitent le cri de la mouette
Il n’y a plus de transports
Paris a expulsé
En surface la vie crépite

12 novembre- Musique

Sur vos oreilles mettez une musique que vous aimez
Sortez
Autour de vous tout devient alors exceptionnel
Le passant, une fleur, la fumée de la cheminée
Le monde entier se fait terre d'aventure(s)

11 novembre- A l'absent

Sens-tu ma solitude
N'oses-tu pas l'effleurer
Moi qui dormais dans la tienne
Comme dans un igloo?
Ne plus entendre notes ni mots
Les cris seulement, gémissements

La bête qu'on mène à l'abattoir
Je suis son pressentiment
Tout le long du voyage
Celle sortie de la tanière
Abattue d'une balle dans le flanc
Par le chasseur
Je suis son agonie, ses yeux qui se révulsent
Et leur dernier éclat
Je m'endors la main sur le cœur
Surprise qu'il batte encore

Peur de la nuit, de l'étau glacé
Tes bras s'en sont allés
Ne retiennent plus mes rêves
Tu m'as brûlé les doigts
Ne sentent plus le chaud, le doux, le froid
Ni les pulsations du coeur d'un autre
Eraflent, blessent et je me sens
Edward aux mains d'argent

Tu ne le sais pas, ne sais rien
Mais tu m'as condamnée
A la solitude, au flegme roide
Je ne suis plus émue
Tu m'as muée en toi
J'ai consenti
Et seule je t'ai aimé
Comme une possibilité de vivre

Seigneur de mes ténèbres
La couleur de tes yeux
Feux follets, intenses étincelles
Partition dans les miens
Dans mes souvenirs s'estompe
J'écrivais pour eux
Une histoire à deux
Que j'ai vécue seule

Tout reste mais passe
Un jour tu ne seras plus
Je sortirai grandie
Mais ma plume se tarit
Tourner la page peut-être?
Reléguer les lignes noires
Que j'ai écrites pour toi
Affronter la page blanche
Et dépasser enfin
Ta deuxième lettre de l'alphabet

9 novembre- KKhuette

KKhuette est un chat noir, prenez garde. Seule once de rédemption, une tache blanche au cou. C’est le mien, chat de la sorcière, une once de rédemption au cou. Son oreille gauche a été mordue, comme découpée aux ciseaux dentelés. KKhuette a peur de tout, d’un bruit, de son ombre, d’une main qui se tend pour la caresser. C'est normal, on lui a sans doute fait du mal, blessée au propre et au figuré. Je l'ai recueillie; elle n’a pas peur de moi.

Petite et agile, son museau noir est humide et froid, réveille lorsqu’elle le pose sur mon nez. Il n’est pas chat plus gentil. Pas un caprice, pas une bêtise: pour qui se fie aux apparences, KKhuette est presque un bibelot. Mais c’est une coquine, siestes et nuits avec elle presque indécentes. Elle hésite d’abord à grimper sur le lit, puis elle tourne autour de moi pour guetter l’encoche dans laquelle se loger. Ses yeux sont alors grand ouverts et, régulièrement, elle frotte le bout de son minois sur mon coude ou mon visage. Elle frétille, se pose finalement et entreprend une toilette minutieuse, ce qui ne l’empêche guère, si je l’interromps par une caresse, de lancer un ronron sonore, ponctué d’un léger coup de tête vers l’avant, vers ma main. Deux fins possibles à cette toilette : je veille et KKhuette va jusqu'au bout, un poil après l'autre, ou alors j’éteins et KKhuette interrompt sa toilette. Alors dans les limbes de la pénombre, tout commence.

Le petit félin noctule approche si doucement que je sens le velouté de ses coussinets, du nez soulève un coin de couverture et se glisse sous les draps. Je devine le noir de sa pupille dilaté sur le vert rivière de ses yeux. Elle tourne sur elle-même, tourne, tourne encore, jusqu’à trouver sa position, au creux de mes bras ou, si je suis sur le côté, nichée dans le creux de mon ventre. Ma main parcourt son poil soyeux et je sens battre son petit cœur de chat . Elle ronronne, lovée en chat qui se mord la queue. Ses yeux cette fois clignent, en amandes vertes frétillent. Son ronronnement, sonore d’abord, s’apaise ensuite mais demeure. Il me calme, berce. Les pulsations de son cœur au bout des doigts, cette boule de tendresse contre moi, sur les clapotis de ses ronronnements je m’endors sereinement. Le matin, au réveil, quelle que soit l’heure, elle n’a pas bougé, gardienne de mon sommeil, fidèle à mes rêves. Ma jolie KKhuette, t’es mon mini-dragon, un bonbon de bonheur, mon cœur en guimauve et tu manques à chacune de mes nuits. KKhuette ce n'est pas un chat qui donne le sentiment d'apprivoiser le tigre mais plutôt... ma chouette.

3 novembre- Mon seigneur des ténèbres

Sa chevelure est argentée
Longue et épaisse
Ses yeux bleu électrique
Crachent des étincelles
Le nez aquilin
Les traits fins
Drapé de noir c’est un cliché
C’est mon seigneur des ténèbres
Je l’ai inventé pour moi
Pour qu’on ne me le prenne pas

Mais personne n’en voudrait
A sa main gauche manque un doigt
Un loup le lui a croqué
Dans la terre l’a recraché
Le doigt a poussé
Brodé en mon sein
Les racines du mal

Moi je vis avec lui
Son sourire sarcastique
Rouge de désespoir
Ses mains froides
Le long de mon échine
Ses bras qui me serrent en étau
Il me dit que je ne suis pas belle
Que je ne suis pas celle ni Elle
Me conte des histoires terribles
Il n’a plus d’illusions
Alimente les vilénies humaines
Ses dents blanches sont miroir
D’un monde sans contours
Noyé des brumes des larmes

Je ne l’ai jamais compris
L’ai rejeté, craint de l’affronter
Et puis un soir je l’ai rencontré
De chair et d’os, l’âme délitée
Dans ses mots j’ai trouvé
L’enfant blessé
Les rêves écorchés
Alors je l’ai aimé

Seigneur de mes ténèbres
Il ne m’a jamais rien donné
Je lui volé quelques mots, des instants
Des moments, parcelles de moi
Il dit et fait tout haut
Ce que je pense tout bas
Ou ne pense encore pas
Il ose parce qu’il n’a pas le choix

Un soir il m’a rencontrée
De chair et d’os, l’âme légère
Il ne m’a jamais trouvée
Parce qu’il ne veut pas
Prendre le risque du bonheur déchu
Des racines qui se tissent
Avant d’être sectionnées

Mon seigneur des ténèbres

Y a rien à faire
Tu traînes tes pas perdus
Dans les cavités de mon cœur
Je sais qu’à ta manière
Tu m’as aimée un peu
Et c'est déjà beaucoup
Parce qu'alors je ne portais
Masque ni voile

Je ne dévoilerai
Ton nom ni celui de sa tanière
Pour qu’on ne t’enlève pas
Parce qu’on essaie toujours
De voler la désespérance
Mais tu es citadelle
Et de toi personne ne voudrait
Tu manques pourtant

25 octobre- Promenade

On aura remarqué que j'écris moins en ce moment... mais je fais des photos. En voici quelques unes de Paris, images/instants qui pourraient illustrer bien des textes de ce blog.

24 octobre- Dédicace

Aujourd'hui, spéciale dédicace à Nadjma, à KKhuette, à tous les chats du passé, du présent et ceux à venir... (2 clics sur play, uniquement la première animation)

23 octobre- Le soleil vient de se lever

Dans mon rétroviseur
Ce matin le soleil s'est levé
Luciole mordorée
De la pointe d'un rayon
A redessiné les silhouettes
Des ponts et du Grand Palais
D'une mine orangée
Serrant Paris dans ses bras
Phébus la rend firmaments

17 octobre- Série lettre ouverte à (1)

Cher Martin,
Pendant que tu écris et vogues en mer baltique, tout ça pour revenir et pouvoir crâner en bobo du 11e arrondissement, alors qu’il s’agit de deux activités inutiles et tout à fait dignes d’un intermittent du spectacle, sache qu’ici il se passe des choses. Imaginons d’abord ton périple : il fait gris, froid, humide, ça sent le sel, le poisson et les odeurs de vie d’un équipage confiné là pour des semaines. Tu as du vomir déjà trois fois au moins, sur le pont tu affrontes la bruine pour guetter la trace de MON ours, mais rien. Mais alors, rien de rien, nulle part, à bâbord, à tribord, seulement le ciel où des milliers de canards se sont pendus. Néanmoins, n’oublie pas de dire bien fort les bras ouverts: « je suis le roi du monde ! » à un moment donné, afin de définitivement sceller ton destin à celui du 7e art. Si tu peux, au point le plus haut du navire, crie que tu existes parce que là où tu te trouves, il faut avouer que ce n’est pas une évidence. Tiens, je vais acheter une mappemonde, c’est joli une mappemonde.

As-tu déjà reçu les avances du capitaine du navire ou d’un de ses matelots? Si non, cela ne saurait tarder. A mon avis, remballe jeux de mots, cynisme, humour noir et degrés de conversations si tu veux conserver tes degrés… de latitude. Alors qu’ici… Ici, il pleut mais il fait doux, ça sent les feuilles mortes en tas sur les boulevards, la lessive devant le pressing, le crottin fumant boulevard Sully-Morland. Ce matin, j’ai fait du scooter (tandis que toi, niet), la course avec une mouette, vu la Seine écumer et des canards, pas du tout dépressifs, s’envoler en effleurant la surface de l’eau. Je me suis aussi battue avec une feuille qui m’a littéralement agressée, bref, c’est peu dire qu’il se passe des trucs. Tiens, as-tu vu une seule feuille depuis ton départ ?

Pendant que tu es SEUL à écrire sur ton bateau, j’ai rencontré un voyageur, caressé un chien, parlé à un boulanger et envoyé mes écrits pour qu’ils ne soient plus seuls. Ce week-end, lorsque tu t’éveilleras dans les bras du capitaine Chabal et que tu mangeras tes harengs en petit déjeuner, j’attaquerai vers 12h un petit-déjeuner bien français, avec du PAIN et des croissants. Le soir venu, peut-être savourerai-je la choucroute nouvelle, miam… A propos, hormis les harengs, tu manges quoi ? Dois-tu tuer pour te sustenter ? Les nuits sont longues, non ? Le bruit des flots verts, la cheminée qui siffle, les portes des cabines qui claquent, le lit qui tangue, le maigre repas lyophilisé qui remonte, la couverture trop petite, l’humidité pénétrante et ta lampe de poche cassée. Allez va, j’irai boire un verre à ta santé dans ton bar préféré où il y aura plein de monde pendant que toi tu seras bien tout seul devant ta page blanche. Tu sais, il faut rompre les clichés du poète maudit et s’affranchir de la lueur vacillante de la bougie : nul besoin de souffrir pour écrire (ah, je ris de me voir...)! De fait, à ton retour, si tu reviens car enfin rien n’est moins sûr, tu seras heureux de m’avoir pour amie car je te présenterai alors le cercle des poètes de la Caravane et, éventuellement, faciliterai ton intégration.

Donc non, je ne t’envie pas le loin ni le moins du monde dans ta prison flottante. Si tu peux, envoie-moi un mot juste pour me dire que non, non, en plus tu ne vois ni phoques, ni pingouins et surtout aucun ours blanc. Aucun !

12 octobre- Intervention pompeuse

La littérature, comme le reste et les êtres, ne m'intéresse que si elle me nourrit. Il ne s'agit pas de la brandir, de l'étaler: un livre se vit, s'éprouve intimement, au mieux sort-il de soi en actes ou en partage. Un auteur n'est pas une marque à arborer parce que son propos ou son nom sont soi disant actuels; il s'éprouve au-delà des siècles, des étiquettes, des genres et de la critique.

Actuellement, je relis (car il faut relire, sans cesse, les livres qui ont marqué l'âme d'un sceau ou d'un cachet: ce ne sont jamais les mêmes) les pages d'un auteur mentor qui ne cesse de m'apprendre et de m'altèrer autant que s'il était vivant, face à moi dans une conversation. Deux passages m'ont émue, je les partage...

"La pensée poétique est l'ennemie de la patine et elle est perpétuellement en garde contre tout ce qui peut brûler de l'appréhender: c'est en cela qu'elle se distingue, par essence, de la pensée ordinaire. Pour rester ce qu'elle doit être, conductrice d'électricité mentale, il faut avant tout qu'elle se charge en milieu isolé."

"un détour par l'essence, telle qu'on l'éprouve chaque fois qu'est mise en péril l'existence individuelle ou même la poursuite de toute chance particulière dans le cadre de cette existence. Je dis que lorsque la nature des événements tend à leur faire prendre un tour trop douloureux les façons personnelles de sentir se trouvent malgré elles un refuge et un tremplin..."

Un jour peut-être, écrirai-je sur lui. En attendant, comme vous n'aviez rien à faire ce week-end, voici au moins de quoi méditer (un livre, le mien si possible).

11 octobre- Voici venir

Clop, chlaq c’est mon pied dans la flaque
Shliss, la roue glisse sur les feuilles
Voici les brumes hivernales
Qui emmitouflent Paris
L’odeur entêtante des feuilles mortes
L’antre du foyer
Dans les cafés, effluves de chocolat, de thé

Dans les bars on se serre
Sur les boulevards, craquent les marrons chauds
Et ce matin spectacle rare à Paris
Un rouge-gorge s’est posé sur ma rambarde
M’a fait la danse qui annonce le froid
L’hiver est la saison que je préfère
Parce que ça rime

5 octobre- Expédition

Je rêve
Blanc
Le silence en ciel
Le froid qui fige et serre
De l’absence de ville
De l’eau crûe et limpide
La glace craque et fend
Le soleil qui s’ouvre sur la banquise
Du loup, du phoque et de l’ours blanc
Je rêve l’évidence
Voyage vers le grand froid

3 octobre- Larmes de crocrodile

Ne dis pas qu’il n’y a rien
Tu as les yeux cernés
Des poches de sanglots dessous
Veux-tu une aiguille pour les percer
Laisser s’écouler les larmes de crocrodile ?
La bonne crise comme quand on était gosse
Avec le nez qui coule, les hoquets

Le regard rivé au sol, hagard
Les nœuds dans la gorge
Le bégaiement
L’incapacité à prononcer un mot
Et à se reprendre
Les joues rouges, les petits yeux
Le visage mouillé
La mine dévastée
Allez hop, faut y aller

Expulser
J’ouvre le bras droit
Tends l’épaule
Lâche et pleure
Des seaux de tout ton soûl

1er octobre- Marseille

La ville a des yeux bleus
Qui scintillent de vert
Battu, le ventre est remué

Par un mistral en lames
Ville bruyante
Voitures, échos, roulement des flots
Le sifflet de la mouette
Le bateau qui fend l'eau
Le calme consolant du parc du Pharo
Dans une cour, un jardin
Au cœur de la cité
Frissonnent les lézards
Au matin, les oiseaux
Hissent le soleil très haut

Des couleurs en combat
Soleil et ciel azur
Calcaire des roches
Façades d'immeubles
Contre le bleu de l'eau
Ca fleure le goudron et le pot d'échappement
Les poubelles et l’urine
Le poisson et le sel
Le souffre des buissons
Les voyages du vent emmêlent les cheveux
Marseille c'est l'apaisement
Le soleil sur la peau
La mer à perte de soi
Les bateaux la sillonnent
Entrent et sortent du port
Comme on joue de la vie

27 septembre-Inventaire

Ainsi c'est chez toi que se cache ma mémoire en objets
La boîte à sel de Nénène et son ventilateur
Les lampes dijonnaises
La planche à découper de mes parents
Le tapis de bain, la couverture de laine
Dans ta cuisine, l'odeur du placard est tunisienne
Ainsi lorsqu'on perd la mémoire
Suffirait de se demander
Mais où l'ai-je donc laissée?
Encore faut-il vouloir la raviver
L'histoire demeure dans les objets
Et dans tes choix imperceptibles
Le savon que tu utilises
Le type de café
Ou le poulet en sauce

Ce matin j'ai manqué de crier

Car tu n'étais plus là
Une seule nuit suffit
La mémoire revient vite
Et l'habitude aussi
Car voilà bien des nuits
Que tu n'es plus là
Que mon lit est à moi
La raison revient vite
Qui me souffle à l'oreille
Qu'on ne rappelle pas
Quelqu'un qu'on a laissé

26 septembre- Itinéraire parisien

Aujourd’hui, je vais vous parler de mon trajet quotidien et ça va être passionnant. Montez derrière moi, le nez au vent, cramponnez-vous à moi...
Pour me rendre au travail, je traverse trois galaxies et chaque matin je me dis, c'est loooooin... alors attention, essayez de visualiser.
Première galaxie, boulevard Voltaire, République, Rue de Turbigo. Dans cette galaxie, je navigue aisément car le boulevard Voltaire je le connais bien, l’emprunte à toute saison, à toute heure de la journée ou de la nuit. Le matin, le boulevard Voltaire ressemble à la prose de son auteur : automobilistes un peu agressifs mais en file indienne aisément contournable, l’église Saint-Ambroise m’arrête chaque fois à son feu; au départ le boulevard paraît long et encombré, mais en fait on l’enfile facilement, un petit coup de roue à gauche, un autre à droite en pied de nez. A République, c’est le tourniquet mais j'ai la priorité. A partir d’Arts et Métiers, ça commence à se corser, mais rien de neuf : du monde, des cafés, des boulangeries, des gens qui traversent, je suis toujours chez moi, dans ma galaxie. C’est alors qu’arrive… le tunnel des Halles. Ce tunnel, c'est une métaphore alambiquée et glissante. Passage d’une galaxie à l’autre. Souvenirs de l’avoir traversé tant de fois avec Cédric: je l’aimais bien alors parce que je n’avais pas peur, parce que lorsqu’il pleuvait ou faisait froid, ce tunnel c’était l’accalmie. Aujourd’hui, ce tunnel c’est pour moi quatre virages casse-gueule, mes mains qui se crispent sur les poignées du scooter dès que j’y entre. Lorsqu’il pleut, je me souviens de Cédric m'expliquant la dangerosité de ce tunnel en chaussée mouillée. Il ne faut pas m'expliquer parce que je risque alors de comprendre, de prendre conscience et donc... d'avoir peur. Dans le même temps, ce tunnel je l’aime car il réchauffe toujours et, passé le quatrième virage, s’amorce une grande montée à grimper à toute vitesse pour déboucher sur…. la seconde galaxie.

Dans cette galaxie, des mois durant, il était toujours la même heure. Invariablement et jusqu'à cette rentrée (cf. blog du 2 septembre), l’horloge du Pont Neuf indiquait trois heures moins vingt : du soir, du matin ? mystère… Peut-être l'horloge s'est-elle arrêtée en même temps que La Samaritaine? Dans cette galaxie, on entre sur des pavés, on traverse un pont et c’est beau, c’est un voyage. Le soleil se lève sur Notre-Dame. Le Pont Neuf est moment de répit avant la bataille rangée du Quai Conti puis du Quai Voltaire. Plus de boutiques, plus de passants, plus de gens, seulement des automobilistes, pressés, énervés, c’est la guerre ! Ca déboîte, ça klaxonne, ça s’énerve, ça pique des coups d’accélérateur ; il y a des voitures, des vélos, des scooters, des policiers, des bus, des cars de militaires, le camion des pompiers : c’est l’anarchie sociale. Tout rentre dans l’ordre lorsque se profile l’entrée des voies sur berge Rive Gauche, hop, on s’engage, on se suit, on longe la Seine, bleue, verte, scintillante ou grise. Les péniches sommeillent, les bateaux de cargaison remontent le cours paresseusement, pas très bien réveillés. Passer le pont de la Concorde, apercevoir la coque en libellule du Grand Palais, puis s’impose le Pont Alexandre III, ses deux femmes qui regardent couler l’eau, passer les bateaux, les heures et le temps, le vert de la rambarde, rehaussé de dorures. Je sors là. Traverse le pont. Troisième galaxie.

Dans cette galaxie, on voit la Tour Eiffel, éclatante, le nez embrumé ou dans les nuages, des hommes en smoking ou en costumes cravate, peu de Vélib, des femmes sauterelle Cacharel. On a quitté Voltaire, on flirte avec Montaigne, Marboeuf, Marot mais loin de la littérature, j’emprunte le Cours Albert Ier. Le mercredi c’est marché, c’est le bazar. Un bazar soigneusement rangé tout de même, où même les effluves d’épices et de nourriture arrivent un à un, ordonnée et non en bouquet. Avenue du Président Wilson, premier tronçon, RAS si ce n’est je ne sais quel bâtiment musée cerclé d’un parc qui exhale parfois ses odeurs d’herbe coupée, de fleurs ou de feuilles mouillées. Arrivée place d’Iéna, voitures de maître, diplomates, la rue de Lubeck à droite, que j’ai tant cherchée et où on attend beaucoup, longtemps, l'été souvent. Depuis quelques jours, des hommes élaguent buissons et arbres autour du Conseil Economique et Social, et brûlent les feuilles et les branches. Au feu, odeur de bois : normal… ça sent l’automne, premiers remugles de l’hiver et des cheminées. Second tronçon de l’avenue, un bonheur. Fluide, toujours, je file. Les arbres ici sont ma jauge à saison. Je les vois verdir à mesure, puis jaunir, brunir, s’effeuiller. Dans la perspective ce matin, la moitié a perdu ses feuilles, l’autre arbore fièrement un brun rouge flamboyant. Entre la place du Trocadéro et le second tronçon de l’avenue Wilson, un feu en lutte personnelle avec moi. Chaque matin je me dis que je vais l’avoir, je l’ai souvent au vert et lorsque je le vois au loin, je me dis s’il est rouge alors aujourd’hui il se passera ceci, s’il est vert… etc. Bref, à ce feu précisément se joue la radiosité de mon avenir. Je le passe, débouche place du Trocadéro, poussez-vous tous, j’ai la priorité et je suis arrivée. Et en retard aussi.

Voilà, une autre fois, récit de mon trajet passé en deux galaxies : XIIIe arrondissement-Montparnasse/ Invalides-Troca et d’un itinéraire bis en je ne sais combien de galaxies : Bastille-Concorde-Troca. Et puis il y a les possibilités de trajets retour en fonction des humeurs: Troca-Haussmann-Répu-Voltaire ou bien Troca-Assemblée nNtionale-Saint-Germain-Bastille ou encore Troca-Quais-Louvre-Gare de Lyon! Que d'aventures à venir...vertigineux...

25 septembre- Mon ptit gars

C’est ainsi
La terre est ronde
Faut tourner
Comme tout le monde
Epier le point de gravité
On a des idées
Qu’ont pris l’eau
Et des rêves délavés
Alors partons en quête
Du point de légèreté

C’est ainsi
Faut reléguer les mots
Et puis les idéaux
Savoir ôter
La maille du héros
On est comme tout le monde
Ombres fumées en quête
D’amour et de tendresse

Tu peux bien
Te draper de formules
Dériver au fil de conversations fleuves
Ou te river de principes
C’est l’origine du monde
On est comme tout le monde
Ombres fumées en quête
De l'âme sœur
Du frère d'âme
Creuset où s'enlacent
L'amour du père
La tendresse de la mère
Puiser au creux des mains
La légitimité
D'être planté là


On regarde la vie passer
En tourniquet
On a trente ans maintenant
On pourrait l’attraper
Ou se hisser dessus
Et chaque nuit rêver
D’échappées cavalcades
Mais on la laisse filer
Et dans nos yeux de lune
Amassons les espoirs
Lucioles de nos regards

C’est pas parce qu’on a lu
Qu’on croit avoir compris
Qu’on croit avoir touché
Ce que d’autres ne voient pas
Qu’on croit avoir vécu
Ce que d’autres ne vivent pas
Que l’on est délesté du poids
De la quête des ombres
Celle de tout le monde

Déposons les idées
Et toutes les idées eaux
Les rêves en cerceaux
Trop larges pour nos hanches
Il est temps de hisser
Le croissant de lune
En pleine journée
Et la nuit plein soleil
Sous un ciel jaune de miel
Se pelotonner en position fœtale
S’abreuver de chaleur
Et ta main dans la mienne
Faire la ronde de la terre
Relier le commencement
Avec la fin du monde

24 septembre- Clore

Clore les chapitres
Tourner les pages
Du livre d’images
J’espère le moment
De répit où l’on cesse
D’haranguer les sommets
Le moment où
Pics adoucis
Aspérités colmatées
Ne plus porter, soulever
Et se laisser aller
A...

22 septembre- Pour Gaël

Comme au tarot
Appeler pour vaincre à deux
Contre trois
Appeler pour être épaulé
J’appelle… Gaël
Et un souvenir précis
Fleure bon dans ma mémoire
Le jardin du Pharo
Un crépuscule festonné de rouge coton
Le jardin éclatant de verts
Au creux du premier souffle frais
Nous nous asseyons

Sur la rambarde
Surplombons la mer
Bateaux et paquebots arrivent ou quittent
Pas un bruit seule l’hirondelle du soir
C’est la sérénité
Et le lendemain
Chaleur en plomb
Les îles du Frioul
Tout est simple si facile
L’eau forte de bleu
Exhale sa fraîcheur
Le plaisir d’être ensemble

La roue a tourné depuis
Comme un mauvais diable
Gouvernail du bateau
Te voici deux me voici une
Toujours trois finalement
Tout reste simple et facile
Le jardin du Pharo
Les îles du Frioul
C’est ici à Paris
Lorsque jamais tu ne penses
A ma place
Que tu ne m’ôtes pas les mots
De la bouche
Que tu es là
Je n’avance ni ne recule
Et sur l’instant rambarde
Me pose
C’est la sérénité

21 septembre- Je suis Parker

Rangées les affaires d’été
Avenue Georges V les feuilles sont ocres ou tombées
L’air s’est gorgé des premiers relents de l’hiver
Le matin en scooter j’enfile mes gants
Ils sont fins, de demi-saison
Et j’ai chaque fois le sentiment
De partir commettre un crime
Si les hommes en escargots
Portent leur univers sur le dos
Le fusil à lunette sur l’épaule
Je suis Parker des romans de Richard Stark
Voilà comment un simple gant
Transforme Paris en Californie
La Tour Eiffel en building où se terrer
Et la femme que je suis
En tueuse redoutable
A ne point offenser

20 septembre- Considérations sans intérêt

J’ai deux amours, les Mac et les scooters. Lorsque j’ai envie de parler mac, de déballer mes rêves sur un tapis rouge, j’appelle Igor et ça peut durer des heures : et t’as vu la clé wifi pour relier avec ta chaîne, oui, mais elle marche que un an, va sur le forum Macbidouille, tu verras, ah mince mais elle tourne sur quel port ? et le dernier 20 pouces brossé alu, clavier fin comme la feuille, il dépote pas mal, ouais faudra passer à l’Apple Expo (le paradis sur terre 3 jours durant tous les deux ans), ils auront des promos intéressantes parce que le 20 pouces il est mortel mais seulement 512 de mémoire vive, faut le booster, par contre l’écran il est sublime (oui, oui, carrément!), je me demande si je vais pas le prendre parce qu’il a une résolution de xxx pixels sur tant de pixels et que donc il vaut mieux que n’importe quel écran Samsung et si en plus tu le relies via bluetooth, et la prochaine fois que je te voie faut absolument que je t’installe tel logiciel…. C’est passionnant, vertigineux de possibilités et ce qui est bien c’est qu’on n’achète jamais rien. Enfin, surtout moi.

Second amour, les scooters,: je suis très prolixe, ce qui donne des conversations du type : oui, mais le problème du Looxor de Peugeot c’est qu’il a le réservoir sous la selle, avec capacité de 5 litres seulement, le souci avec le X8 à injection c’est qu’il est en début de vente avec défaut de confection et qu’il faut attendre la suivante, le BMW avec habitacle, faut pas déconner, il coûte 6000 euros, le Honda machin il a des roues qui glissent sur les bandes blanches, Piaggio est cher à l’achat et je te raconte pas le prix des pièces et de la main d’œuvre, etc. Je vais sur les forum, lis les comparatifs géniaux de Auto-Mag, suis les cotes de l’Argus, bref… J’ai remarqué que ce genre de conversations s’avèrent d’autant plus intéressantes et alimentées si mon interlocuteur est un garçon. Je regarde, observe, en matière de scooters j’ai l’œil aiguisé et tous les matins je scrute ceux de mes compagnons de route. Evidemment, seuls les 125 cm3 m’intéressent car les autres, 50 cm3 et mobylettes, ce sont des scooters de stroumphes. Je jette un œil à l’état général, à l’assise conducteur puis passager (car il y a plusieurs sortes d’assises), éventuellement au compteur kilométrique et jauge la capacité de démarrage au feu, la reprise, la tenue de route dans les virages du tunnel des Halles. Pourquoi je raconte tout ça ? Oui, pourquoi…. ? Simplement parce que ce matin, en regardant les scooters, je me suis dit que certains hommes portent, comme les escargots, leur monde sur le dos. Là une guitare, ici une raquette de tennis, à droite un tube à dessin, à gauche un chien dans le sac, et devant moi, il en est un qui roule avec une fille accrochée dans le dos.

18 septembre- L'abordage

La terre tourne
Moi dessus
Toi aussi
Je chancelle
Les mots déboulent
Font des rondes
Dans mon esprit nacelle
Les hanches de gauche à droite
Culbutent sur des amas d'histoire
Conglomérats de cervelle
C'est le bateau ivre
A l'étendard noir
Consonnes contre voyelles
En l'âme la queue du chat
Rejoint le mors des yeux
Salivent dégoulinent
Coulent de l'eau au moulin
La cire de la chandelle chiche
Je tangue
Quête en derviche
L'expiration coulée de plomb fondu
Scelle le pli des lèvres
D'une main cherche la tienne
Chavire

17 septembre- Mes deux pieds

Mes pieds se sont déclaré la guerre
Le gauche se pose au sol
Placide y adhère
La peau lisse et ferme
A peine compulsée
D’infimes lignes de vie
Les ongles forts arrondis
Le droit crevassé, blessé
Des lignes de vie infimes
En chemin de vieillesse
S’effeuille perd peau
Et force dans la kératine
Hésite à toucher le sol
Il a mal et se fend
L’autre lui dit
Tu fais tout pour te rendre intéressant
Qu’on s’occupe de toi, qu’on te bichonne
T’es qu’un veule rebelle
Résultat t’es pas beau
Et tu dépares l’ensemble
L’autre lui répond
Je suis fatigué
Marcher, marcher
Sans s’interroger
J’ai le droit de dire « assez »
De m’assécher et d’exiger
Crèmes, soins et massages
Suis peut-être laid pour l’instant
Mais ça ne durera qu’un temps
Je repartirai ensuite vaillant
Tandis que toi tu ne dis rien
Fais ton fier, ton preux
Mais lorsqu’une crampe te saisit
Tu nous fous par terre
Handicape tout le monde
On ne peut plus rien faire
Ainsi disputent-ils
Drapés dans leurs souliers
Et je ne sais plus très bien
S’ils sont deux
S’il sont un
Si l’un fait marcher l’autre
Ou bien si c’est moi

14 septembre- La chouette

Elle a des yeux immenses
Deux points d’interrogation
Une tête compas qui sonde
La circonférence du monde
Un bec pointu
Aiguillonne les cœurs
Des plumes soyeuses
Blanches, brunes, tachetées
Piquent vers le centre de la terre
Stoïque sur une branche dissimulée
Hulule pour adoucir la nuit
Lui donner la parole
La chouette apporte son courrier
A Harry et à tous les p'tits sorciers
Frappe les pièces d'Athènes
Et des ailes frôle
Les pièces désertes de l'âme
Est l’emblème d’une ville
Où l’effleurer réalise un vœu
Et moi, j’aimerais bien
Une chouette sur mon épaule

7 septembre- A Paris

La rue a été désertée, un vilain crachin pique le visage, le ciel s’assombrit, s’avance la nuit. Un homme marche. Attaché-case à la main, costume marron clair, cravate, cheveux blonds courts, petite quarantaine. Sort du travail, rentre chez lui, cela se sent, se sait, et il regarde ses pieds comme s’ils allaient le conduire vers un ailleurs insoupçonnable. Longe les grilles du parc, lève le nez, ralentit, hésite, s’arrête. Dépose l’attaché-case sur le trottoir mouillé, glisse sa main entre les grilles. Du bout des doigts, il attrape la tige d’une plante et, délicatement lui fait traverser la grille, l’enroule autour des barreaux d’acier. Sans la briser ni même froisser le bourgeon. Lui offre un tuteur pour qu’elle ne tombe pas, qu’elle s’élève fièrement. Puis reprend l’attaché-case, de la main droite caresse le bourgeon comme le téton d’une femme et repart. Est-ce ainsi chaque soir?

6 septembre- Oiseaux

En vautours tournoient les corneilles
Du bout des ailes noircissent le ciel
Des mouettes à becs affutés
Se disputent des restes de silence
De sa gueule ferraillée une péniche
Fend la Seine comme le froid les lèvres
Mais où est donc ma chouette?

2 septembre- Rentrée

Demain, c’est la rentrée. En quoi cela consiste ? Pour nous, adultes sans enfants, cela signifie des matins grisâtres, des artères parisiennes de nouveau engorgées, idem pour les bus et les métros, à nouveau ralentir devant les panneaux attention école et vers 16h30 prendre garde à toutes ces étranges personnes qui, munies d’un gâteau à la main, s’attroupent devant les établissements scolaires. On voit des papa en costars courir le matin un bambin dans la main ou une mère traverser une flaque (car il pleut toujours à la rentrée) en gazelle un cartable sur le dos.

Pour les enfants, c’est le stress et ils seront nombreux à dormir peu ce soir. Il y a le stress enthousiaste à l’idée de retrouver les copains, voire l'amoureux(se), de raconter ses vacances, de crâner avec le dernier gadget offert par les parents à l’occasion de cette rentrée. Le stress de savoir avec qui on sera ou pas en classe, quels profs ou instit on aura, l’emploi du temps, le cri unanime de protestation de la classe apprenant qu’elle aura cours le samedi. Tout cela sous les néons blancs des salles de classe aux vitres couvertes de buée. Cartable de 11 kilos, couvrir les livres, le prof de Maths veut un compas, le prof de Français un Bescherelle, la prof d’Histoire-Géo deux cahiers : un pour l’histoire et un pour la géo, elle insiste. Il y a ceux qui appréhendent davantage encore, parce qu’ils vont entrer à l’école, au collège ou au lycée. Et puis ceux pour lesquels l’idée des copains n’allège pas le retour vers une institution qu’ils détestent. Ils n’aiment pas l’école, n’aiment pas les profs ni l’emploi du temps quel qu’il soit : c’est le calvaire.

Dans les premiers jours, on fait des photos d’identités, on décore ses cahiers, son carnet de correspondance, dans les classes on choisit sa place, on achète les livres rasoirs du prof de Français. Mais viennent vite les premiers devoirs, les dissertations et les leçons, l’angoisse des contrôles et des notes, des conseils de classe, des cours où on ne comprend rien, des réunions parents-profs et des irrépressibles envies de dormir. Il faut ingurgiter, ne pas flancher, être bon partout, répéter, répéter, ânonner.
L’année va se dérouler comme pour le salarié, debout tôt tous les jours, emploi du temps réglé sans surprise autres que l'absence d'un prof; à 8h soyez concentrés, apprenez, répondez, ayez faim entre 12 et 13h, au-delà tant pis pour vous; les récrés, les permanences, les pions qu’on soudoie, le tout entrecoupé de vacances, d’anniversaires, de boums, de quelques rhumes et arrêts maladie.

Pour les parents, la rentrée est aussi moment de tension, reprise du rythme, conduire les enfants à l’école, les faire garder, acheter les fournitures, veiller à ce que les devoirs soient bien faits, à ce que les enfants racontent leurs journées pour guetter le moindre malaise ou écart d’éducation, lutter contre la télé, les coucher tôt. Il est des parents pour lesquels la rentrée est encore plus compliquée, ceux qui sont seuls ou pour lesquels acheter un livre est financièrement difficile et qui n’ont même pas pu faire partir leurs enfants en vacances.

Bref, la rentrée, c’est demain et pour plein de gens c’est un basculement : pas terrible, l’année tout entière et l’année de chacun est rythmée par le calendrier scolaire, mais enfin regardez avec attention et vous verrez que demain n’est pas semblable à aujourd’hui. D’ailleurs, pour l’occasion, l’horloge du Pont-Neuf qui marquait invariablement 3h43 depuis des mois a été remise à l’heure ce matin !

26 août-La confiance

La confiance est contrée où peu accostent car il faut accepter d’y devenir aveugle. C’est Œdipe conduit par la main de sa fille Antigone sur les chemins caillouteux. C’est accepter que quelqu’un sache mieux que soi sur soi. Existent bien sûr les cailloux de l’erreur sur lesquels on glisse pour se relever plus vaillant. La confiance, c’est savoir qu’on préfèrera vous perdre pour que vous gagniez. C’est les mots ou les actes qu’on devine juste pour soi, qu’on sait avoir été dits ou commis ainsi par l’autre en fonction de ce qu’il a puisé, profondément, en vous. La confiance, c’est souffrir en sa chair les reproches et rejets de l’autre parce qu’on les sait légitimes. C’est rire et aimer en sa chair, dans toute son âme, parce qu’on devient légitime. La confiance, c’est ôter les œillères, ne pas chercher à comprendre, écouter et répondre en oubliant le "je". Générosité, donner, se donner et accepter de perdre. C’est pouvoir dire je t’aime, j’ai besoin de toi, en sachant que sur ces pierres l’autre se construira, ne les ramassera pas pour vous les jeter à la gueule. Et lorsqu’on a connu cette contrée, on a la force de coloniser toutes les autres. Et on a trouvé une raison d’être passé par là.

22 août- L'ailleurs

Si je n'écris plus ici c'est que j'écris ailleurs mais sans doute l'ailleurs deviendra-t-il ici d'ici peu.

10 août- Juste en passant

Le long de mon rideau de coton perlé, un papillon de nuit s'est posé. Ne bouge plus, non qu'il ait peur, plutôt qu'il est bien là. J'aime ce compagnon du soir, le voir inspire, apaise l'écriture, j'imagine sa naissance, hier ou ce matin, sa venue jusqu'ici. Je l'interroge et il semble sourire des ailes. Si j'avais été atome, un atome seulement, doué d'une conscience, sur lui j'aurais embarqué et aurais pu conter ensuite un beau voyage. Il parait que la poussière de ses ailes est sa vie. Toucher l'aile, ôter la poussière, c'est le tuer. Il est des phénomènes naturels et scientifiques dont il ne faut pas chercher la véracité pour conserver l'image intacte. Dans le cas du papillon, sa poussière de vie, peut-être d'étoile, et peut-être même de l'étoile de Martial, est pure féérie.

9 août- Les yeux

Avec les yeux on voit
Mais on ne regarde pas
Les yeux reflètent
Ne percent pas

8 août- Hantise

Chaque jour, à trop de secondes, hantent les mots et les rythmes des poètes. Passent les jours, sonne l'heure; passent les jours, sonne l'heure; passent les jours, sonne l'heure! Entêtant. Empêchent de penser, encombrent l'écriture. Dans le futur, j'inventerai une opération chirurgicale consistant à délester l'esprit des vers qui le rongent.


Tu es pressé d’écrire/ Comme si tu étais en retard sur la vie
Mais oui, la peau plisse, plie, ploie. Et rompra
Le temps passe, je ne l’attrape pas, le jour décroît, la nuit augmente, je n’entre ni n’encre. Radeau.
Peut-être écrire non, plutôt ne rien faire. Rien. Rien existe. Mais comme il ne faut pas insulter au Néant, mieux vaut alors marcher.
Les pas perdus entraînent au Panthéon : ironie, sur Racine une corneille est perchée, en son bec un fromage. A mon oeil j'accroche l'image sans la réfléchir pour ne pas m'égarer dans la nuit du sens.
Le long des quais, les arbres dégorgent de vert et l’air est parfois si doux qu’on ferme la paupière. Prendre garde à ne pas tomber ni à s’assoupir, jamais je n'oublierai Le Dormeur du Val.
Sur le chemin du retour, vers où qu'importe, la Seine s’étoile de soleil, et sur la rambarde du pont, passent les jours, sonne l’heure. Encore. Ne pas s'abîmer dans la contemplation du passé en flots ou alors accepter de devenir poisson soluble.
Je déambule, erre, martèle les cloisons de mon âme, te parle à toi, toi que je ne connaissais pas, toi qui ne me connaissais pas, et qui n’es jamais là, sauras-tu jamais ce qui me traverse ?
A mesure du périple, Paris devient capitale de la douleur, se transforme en voûte de dédales sombres, et mon luth constellé porte le soleil noir…
J’ai beau m’y apprêter chaque jour, à l’ombre de mes fleurs, me dire qu’on va s’y faire, qu'il n'y a pas de raison, de raison c'est vrai que je n'en connais point, il faut poursuivre la route sans jamais alourdir mes pensées du poids de mes souliers. Dans la rue harponner les yeux des autres, tendre un filin et boire cet alcool brûlant comme la vie. Ici, maintenant, dans la seconde palpitante, tenter d'émerger car je veux voir mon rêve en sa réalité et jusqu’à mon repos, tout est un combat
Suis-je proie ou bourreau, à qui donc sommes-nous ? Qu’importe les questions, je ne suis guère inquiète : l’existence est ailleurs.

7 août- Le monstre

Le monstre calciné
Clopine mais marche encore
Sur ses pattes de cendres
Les yeux suintant de suie
Approche sarcastique
Je recule mais glisse
Il sait qu’il a gagné
Je peux crier hurler
Pas même un écho
On m’a abandonnée
Laissée là quelque part

D’une claque
Me plaque à terre
Bitume luisant de pluie
Dans une flaque
Claque plaque flaque
Les lèvres se fendent
Et pour me défendre
Je voudrais d’un rire
Le pourfendre
Mais son souffle piqueté
De pics de glace
Mitraille ma langue
Et il éclate
En ricanements lugubres

Une à une sort les griffes
Armes affûtées du crime
Les coule dans ma gorge
Le long des rigoles
Des histoires à venir
Que je n’ai pas su dire
Du bout de l’ongle
Prolonge le supplice
Fouille les intestins
Ex-tripe mes rêves
Des visages paysages
Tes yeux dans ma main
Des bras je sers mon ventre
Pour le retenir
Et fais monter les larmes
Pour qu’il ne les ait pas

Ses contours sont flous
Il est fumées de souffre
Une échine en crinière
Qui se darde d’épines
Canines jaunes de vampire
Dégoulinantes de bave
Avance sa gueule béante
Tout contre mon visage
Je tente bien de bouger
Ou de m’évanouir
Mais il n’y a plus d’espace

Dans mon cou
Sur mon sein
Il plante sa mâchoire
Tout entière
Arrache mes mots
Des parcelles de mémoire
Des visions d’avenir
Et je ne me réveille pas

6 août- Sans titre

Par delà les barrières
A un poste de douane
Les frontières s’effacent
Les guerres pas
Exhalent l’haleine fétide
Le long de vos boyaux
Eteignent les réverbères
De vos rêves en joyaux
Vous mourrez glacés
Dans l’aile d’un avion
Ou happés par les flots
Mirage d’un radeau

Mais il faut bien mourir

A coups de hachette
Rafales de mitraillette
Brûlé dans des brasiers
Torturé, humilié
On a tué les vôtres
Et baissé votre tête
En la rivant au sol
Et vous ne voyez plus
La femme au-dessus d’une flaque
Des mains recueille l’eau
Pour ses cinq enfants
Qu’elle élève en soldats

Flottent les drapeaux
Déroulent les tapis
Des belles cérémonies
L’Histoire tourne
Le soleil aussi
Et puis l’hégémonie
Restent le aujourd’hui
Le maintenant ici
Mais vous ne les craignez guère

Survivre est antichambre
Du il faut bien mourir
Et pour vous mourir bien
C’est servir par delà les barrières

Au poste de Cerbère
Faire voler
La barque en éclats

2 août- Au lecteur

Signe: aujourd'hui marque la publication du 99e message, voici le 100e, pour 999 visites: merci... Ah les chiffres...

2 août- Pour mon soldat inconnu

Tu as fière allure
Lorsque tombe
Ton harnais qui jamais
Ne plie sous le joug
Tu me vois me saisis
Au recoin de tes lèvres
Mais tu n'as pas compris
Que si tu veux m'aimer
Faudra me prendre comme ça

Arrête de parler
Je ne suis pas serpent
Ondulant sous la flûte
Et tu n'auras pas su
M'ôter les rênes des mains
Tu m'as cru princesse
Future reine d'un royaume
Que tu n'imagines plus
Et je ne suis qu'un être
Lancé à bride abattue

Le long de tes chemins
Garde ton butin
La selle et puis les mors
Les présents aux pieds
La rose des sables aux dents
Et les lances enflammées
Je n'ai pas le goût
Des regards en arrière
Et ne suis guère du genre
A reprendre mes affaires

Légère je repars
Ne laisse rien au hasard
Je me hisse et arpente
La corde de mon souffle
Heurté et haletant
Porte des coups d'épée
Dans l’eau sous mes paupières
Eclatent en étincelles
Jusqu'à l'éblouissement
Où je croise les voiles
Des fées que tu combats

La vie est un tournoi
Pour que je devienne
Ce que je veux
Qu'il advienne de moi

Forgerai une armure
Ruisselante d'espoirs
Radieuse de tes sourires
La parerai de tes rires
De mots enrobés
Et de ton adoubement
Quand j'arrive à genoux

Lors de la chevauchée
Je terrasserai
Ennemis héréditaires
Monstres étoilés de nuit
Langueurs ensorceleuses
Et peut-être te ferai-je
Digne chevalier
Chevauchant le temps
En rides sur mon visage

Mais tu as froid aux yeux
Toi l'ami de toujours
Toi mon amant d'un jour
Tu sens venir l'instant où
S'étiole l'amour en bave
Je te laisserai sur place
Devenir statue de glace
Sans toi, il faudra bien un jour
Etancher la soif des départs
Et les rêves de mieux
Trouver une clairière
Entre ombre et lumière
Où coule une rivière
Dire c'est pas si mal
Pour l'ultime repos
D'une vie éprouvée
En verre sifflée
Même si j'avais rêvé des flots

1er août-

Ecrire la vie des hommes
Projet fort prétentieux
Ou alors un p’tit homme
Sa route vers la vie
Je choisis donc la femme
Se promène légère
Dans une robe printanière
Froufroutée par un souffle
En guise de tourments
Chez elle tout passe
La migraine comme le reste
Voit sa vie en caps
Obstacles à franchir
Les trente ans puis l’enfant
Ses cinq puis ses dix ans
Les titres d’une carrière
En son cœur des questions
De très grande importance
L’agitent pour qu’elle palpite
Tout aussi éphémères
Que la lucidité
Certes elle est tendresse
Mais qu’elle l’oublie
Et elle laisse à jamais
Des bleus à l’âme
Cailloux du p’tit poucet

Pour l’homme la vie
Se passe d’échéances
Il entre en sa conscience
Les doutes bulles de vide
Lestées de responsabilité
Car on lui a appris
Depuis sa tendre enfance
Et des siècles d’Histoire
A ne pas rechigner
Ni à craindre la vie
Auteur et scribe l’écrire
Pour un, pour deux, pour trois
Surtout pour tout un toit
De la mère à la femme
Légères et printanières
Mais écrire la vie des hommes
Projet fort prétentieux
Ou alors d’un p’tit homme
Ou alors d’un seul homme

31 juillet- Cheminée

C'est juillet, l'homme fait un feu dans sa cheminée et je le vois brûler papiers et lettres, disposer calmement les tomes de livres dans l'âtre comme s'il les rangeait. Sans ciller, les regarde se consumer. Chemise blanche, pantalon de toile beige, pas une tache de cendre et l'échine fière, il est félin et les flammes qui lèchent ses yeux voudraient s'y poser. De la table au foyer, il fait passer les dossiers, ses mains sont longues et puissantes, de la scène se dégage un calme à peine troublé par le crépitement des bûches et je sais qu'il a enfin tourné la page du livre d'images.

30 juillet - Vacances

Ce matin a des airs de départ en vacances
Enfiler les quais comme l’A6
La brume se lève de la Seine
Et la Tour Eiffel a encore
Un nuage au bout du nez
Le soleil paillette
Un dernier regard sur Paris
On la scrute pour l’emporter
En miettes dans sa mémoire
Départ vers Orly
Trois heures plus tard
Ce sera l’ailleurs
Chaleur et nouvelles odeurs
Pas un été sans voir la mer

27 juillet- Ce matin

La Seine ce matin éclabousse
Langue mouillée de soleil
Et j'avais oublié
Que sans moi
La vie n'existe pas

26 juillet- Les mots d'un autre

Aujourd'hui, j'ai envie de partager quelques phrases touchantes de Jean-Claude Izzo:


"On se satisfait toujours de moins. Un jour, on se satisfait de tout. Et on croit que c'est le bonheur."

"Se mettre en règle avec la vie, c'était se mettre en règle avec les souvenirs"

"Aimer, c'était sans doute se montrer nu à l'autre. Nu dans sa force, et nu dans sa fragilité. Vrai."

"L'honneur des survivants, c'est de survivre. De rester debout. Etre en vie c'était être le plus fort."

"Je n'ai jamais cru que les hommes soient bons. Seulement qu'ils méritent d'être heureux."

"Le temps est essentiel dans la vie d'une femme; il est réel pour elles"

"C'est dans les moments de malheur que l'on redécouvre qu'on est un exilé"

"Comprendre est une porte qu'on ouvre, mais on sait rarement ce qu'il y a derrière"

"Je n'avais jamais su me confier. Au dernier moment, je me repliais dans le silence."

"La poésie n'a jamais répondu de rien. Elle témoigne c'est tout. Du désespoir. Et des vies désespérées."

"Aimer, c'est ça. Cette possibilité de perdre"

"Je n'en attendais plus rien de la vie. Je l'avais juste envisagée pour elle-même un jour. Et j'avais fini par l'aimer. Sans culpabilité, sans remords, sans crainte. Simplement. La vie, c'est comme la vérité. On prend ce qu'on y trouve. on trouve souvent ce qu'on a donné. Ce n'était pas plus compliqué."

"La douceur du soleil sur mon visage. c'était bon. Je ne croyais qu'à ces instants de bonheur. Aux miettes de l'abondance"

"Tenter d'élever la réalité au niveau de ses rêves"

25 juillet- Chocolat

Hier, j’étais absorbée par le bonheur jubilatoire de ronger deux ongles. Tant et si bien que j’en ai oublié mon blog ! Il faut dire que je les ai rongés méticuleusement, non sans faire preuve de ténacité, comme si la radiosité de mon avenir était en jeu. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas adonné à cette activité tout à fait salvatrice.

Aujourd’hui, j’aborde une obsession qui me hante depuis plusieurs jours : l’idée de faire fondre du chocolat. Faire fondre du chocolat constitue un moment entre parenthèses. Exemple : vous recevez des gens et décidez de faire un truc au chocolat. Tous les gestes, attraper la vaisselle, sortir les ustensiles, tamiser la farine, etc. sont accomplis mécaniquement sans pour autant être délestés de plaisir. Puis arrive le moment du… chocolat.

Certains demeureront insensibles jusqu’à la fondue finale, c'est parce qu'ils n'ont pas de coeur. Pour ma part, le briser c’est déjà écrire la parenthèse gauche. Les carrés sont petits, laissent des copeaux clairs en poussière surla table. On les casse sèchement et dans l’atome d’instant où le carré se brise, une odeur assaille les narines. Sucré âcre. Pour qu’il fonde onctueusement et parce que j’aime le briser de la paume jusqu’aux doigts, je découpe la plaquette entière, carré par carré. L'odeur reste sur mes mains.

Ensuite, deux techniques selon la recette, soit on le fait fondre à feu doux, soit au bain-marie. J’opte pour la seconde, d’abord parce que j’aime le mot bain-marie, je le trouve évocateur voire équivoque, ensuite parce que le chocolat gagne son élégance drapée de nappes dans cette cuisson. A mesure qu’il fond, s’écrit le contenu de la parenthèse. Les carrés rendent l’âme petit à petit. Résistent d’abord puis s’évanouissent, au fond de la casserole et contre des bords qui ressemblent à des murs qu’ils tentent désespérément de franchir. Raté… Intervient alors la spatule qui apprécie du bout du bois l’onctuosité et ramène au centre les carrés réfractaires pour qu’ils s’incorporent à leurs frères. L’odeur monte qui a perdu sa sécheresse. Au contraire, elle est fruitée, parsemée de parfums en duels, sur fond d’amertume. Sucrée, elle ramène dans son sillage des morceaux de l’enfance, gâteau d’anniversaire ou goûter.

La spatule touille même une fois que tous les carrés ont fondu parce que le chocolat fondu, c'est beau. Liquide, il a de la tenue, du coffre, de l’épaisseur, une palette infinie de marrons et on devine déjà l’instant où, en refroidissant, on le verra virer au brun, voire au noir et tenter de reprendre de la rigidité. Le chocolat est fier, limite hautain et j'aime tout autant l'idée de le dompter que celle de le voir honorer mon foyer de sa présence et de son parfum. Malgré tout, comme il faut cesser de jouer et/ou de s'abîmer dans la pensée pour ne pas cramer (ceci est un adage valable hors chocolat), on finit par enlever la casserole du feu. Alors on place la parenthèse droite en point d’orgue et on… lèche la cuillère ! Sur et sous la langue se chevauchent les temps, le goût du moment présent, délectable, rencontre celui où, enfant, on attendait impatiemment que le chocolat soit enfin fondu pour demander : « j’peux lécher la cuillère ?! » tout en étant déjà pressé de manger le gâteau. Contrairement à d'autres réminiscences de l’enfance, celle-ci ne se teinte pas de nostalgie; on trouve au contraire sa continuité parce que c’est toujours aussi bon : le chocolat comme la cuillère.

Toutefois, malgré la rareté de l’instant, je ne sais pas s’il est très sain, psychologiquement parlant s’entend, de faire fondre du chocolat pour rien. Pour faire fondre du chocolat et lécher la cuillère. Point.