29 novembre- Ta maison est en carton...

Des études pour gagner sa vie
Qu’on gagne chichement


Pour être logée, elle doit être petite
Peau de chagrin grignotée par le quotidien

Même hébergée elle n’a pas d’adresse
Méchanceté, malveillance

Même hébergée elle est souillée
Irresponsabilité, petites économies

Chaque jour gagner sa vie
La cloîtrer dans des maisons de carton
Mouchoirs de poche sans ciel

L'expérience en histoires
Pour vouloir sa vie

Mais celle des voisins résonne
Manger, tousser, roter
S’engueuler, baiser,
crier, parler
Ne plus entendre la sienne
Ce qu’elle souffle ni ses palpitations
Ses souvenirs ni ses envies
Sur papier, en musique
La coucher entre deux plages de silence

Idées et idéaux dans des cartons
On les ramène où ils sont nés
Chez papa et maman
Dans les bras de l’enfance

Parce que devenu grand
On n’a plus d’espace
Espoir rétréci
Contre intimité agrandie

Alors pourquoi
Vivre ainsi
Vivre ici
Rester là ?

Parce que Paris est belle
La Seine
Son ciel violine
Les vers des poètes
Tracent les chemins
Ouvrent les perspectives
Et je fais des photos
De la Tour Eiffel
Au fil des jours et des heures
Passent les jours, sonne l’heure…

24 novembre-Petit prince

Nous peinons
Lorsque nous voudrions peindre
Redessiner le monde
Adoucir l’espace d’un sourire
Du pinceau croquer un rire
Le barioler de couleurs vives
Tremplin pour le cœur
Ou le brosser pastels
Pour noyer les tourments
Préciser les contours
Ou les laisser s’enfuir
Parenthèses à souvenirs
Du bout du pinceau
Caresse d’un poil
Je relèverai les cheveux de lune
Qui perlent sur ton front
Tu verras alors le monde
Verras que c’est le mien
Tu me tendras la main
Pour que je t’y emmène
Petit prince

15 novembre- L'image

L’image est une puce
A l’oreille, aux paupières
Pique d’abord
Envoie ses vibrations
Se précise ensuite
Croît
Papillon déploie ses ailes
Primesautière en couleurs
Fait sa vie en mon âme
Déambule
D’airain ou plombée
Y sème
Ses cendres d’étoiles

Dans son vol tient ma vie
Elle me garde en mouvement
En alerte du sens
Subtilement la saisir
Du bout de la plume
L’apprivoiser, l'embrasser
La mettre sous cloche sans la toucher
Lui prodiguer soins, chaleur, l’interroger

Elle me dit tout alors
Me conte ses voyages
L’image comme l’idée
A fait du chemin
C’est ton visage qui dort
Une feuille d’automne
Un rayon d’or épinglé
Au verre d’un réverbère
Une flagrance dans la rue
La senteur d’une jacinthe
Une vague écrémée
La lumière moussue
Les racines du vent
Les rouleaux de l'océan

L’image est la rencontre
De tous les temps
En équilibre sur la seconde
De mon monde

14 novembre- Grèves

Paris ce matin n’a pas le même visage
Lavée par la pluie de la nuit
Le vent sec balaie les dernières saletés
Ca grouille
Marcheurs, vélos, rollers
Ca s’agite, ça palpite de taches vives
Partout
Cheveux au vent
Echarpes nouées

Jupes indociles
Aux feux les gens se parlent

Les pneus qui freinent
Sur le bitume gras
Imitent le cri de la mouette
Il n’y a plus de transports
Paris a expulsé
En surface la vie crépite

12 novembre- Musique

Sur vos oreilles mettez une musique que vous aimez
Sortez
Autour de vous tout devient alors exceptionnel
Le passant, une fleur, la fumée de la cheminée
Le monde entier se fait terre d'aventure(s)

11 novembre- A l'absent

Sens-tu ma solitude
N'oses-tu pas l'effleurer
Moi qui dormais dans la tienne
Comme dans un igloo?
Ne plus entendre notes ni mots
Les cris seulement, gémissements

La bête qu'on mène à l'abattoir
Je suis son pressentiment
Tout le long du voyage
Celle sortie de la tanière
Abattue d'une balle dans le flanc
Par le chasseur
Je suis son agonie, ses yeux qui se révulsent
Et leur dernier éclat
Je m'endors la main sur le cœur
Surprise qu'il batte encore

Peur de la nuit, de l'étau glacé
Tes bras s'en sont allés
Ne retiennent plus mes rêves
Tu m'as brûlé les doigts
Ne sentent plus le chaud, le doux, le froid
Ni les pulsations du coeur d'un autre
Eraflent, blessent et je me sens
Edward aux mains d'argent

Tu ne le sais pas, ne sais rien
Mais tu m'as condamnée
A la solitude, au flegme roide
Je ne suis plus émue
Tu m'as muée en toi
J'ai consenti
Et seule je t'ai aimé
Comme une possibilité de vivre

Seigneur de mes ténèbres
La couleur de tes yeux
Feux follets, intenses étincelles
Partition dans les miens
Dans mes souvenirs s'estompe
J'écrivais pour eux
Une histoire à deux
Que j'ai vécue seule

Tout reste mais passe
Un jour tu ne seras plus
Je sortirai grandie
Mais ma plume se tarit
Tourner la page peut-être?
Reléguer les lignes noires
Que j'ai écrites pour toi
Affronter la page blanche
Et dépasser enfin
Ta deuxième lettre de l'alphabet

9 novembre- KKhuette

KKhuette est un chat noir, prenez garde. Seule once de rédemption, une tache blanche au cou. C’est le mien, chat de la sorcière, une once de rédemption au cou. Son oreille gauche a été mordue, comme découpée aux ciseaux dentelés. KKhuette a peur de tout, d’un bruit, de son ombre, d’une main qui se tend pour la caresser. C'est normal, on lui a sans doute fait du mal, blessée au propre et au figuré. Je l'ai recueillie; elle n’a pas peur de moi.

Petite et agile, son museau noir est humide et froid, réveille lorsqu’elle le pose sur mon nez. Il n’est pas chat plus gentil. Pas un caprice, pas une bêtise: pour qui se fie aux apparences, KKhuette est presque un bibelot. Mais c’est une coquine, siestes et nuits avec elle presque indécentes. Elle hésite d’abord à grimper sur le lit, puis elle tourne autour de moi pour guetter l’encoche dans laquelle se loger. Ses yeux sont alors grand ouverts et, régulièrement, elle frotte le bout de son minois sur mon coude ou mon visage. Elle frétille, se pose finalement et entreprend une toilette minutieuse, ce qui ne l’empêche guère, si je l’interromps par une caresse, de lancer un ronron sonore, ponctué d’un léger coup de tête vers l’avant, vers ma main. Deux fins possibles à cette toilette : je veille et KKhuette va jusqu'au bout, un poil après l'autre, ou alors j’éteins et KKhuette interrompt sa toilette. Alors dans les limbes de la pénombre, tout commence.

Le petit félin noctule approche si doucement que je sens le velouté de ses coussinets, du nez soulève un coin de couverture et se glisse sous les draps. Je devine le noir de sa pupille dilaté sur le vert rivière de ses yeux. Elle tourne sur elle-même, tourne, tourne encore, jusqu’à trouver sa position, au creux de mes bras ou, si je suis sur le côté, nichée dans le creux de mon ventre. Ma main parcourt son poil soyeux et je sens battre son petit cœur de chat . Elle ronronne, lovée en chat qui se mord la queue. Ses yeux cette fois clignent, en amandes vertes frétillent. Son ronronnement, sonore d’abord, s’apaise ensuite mais demeure. Il me calme, berce. Les pulsations de son cœur au bout des doigts, cette boule de tendresse contre moi, sur les clapotis de ses ronronnements je m’endors sereinement. Le matin, au réveil, quelle que soit l’heure, elle n’a pas bougé, gardienne de mon sommeil, fidèle à mes rêves. Ma jolie KKhuette, t’es mon mini-dragon, un bonbon de bonheur, mon cœur en guimauve et tu manques à chacune de mes nuits. KKhuette ce n'est pas un chat qui donne le sentiment d'apprivoiser le tigre mais plutôt... ma chouette.

3 novembre- Mon seigneur des ténèbres

Sa chevelure est argentée
Longue et épaisse
Ses yeux bleu électrique
Crachent des étincelles
Le nez aquilin
Les traits fins
Drapé de noir c’est un cliché
C’est mon seigneur des ténèbres
Je l’ai inventé pour moi
Pour qu’on ne me le prenne pas

Mais personne n’en voudrait
A sa main gauche manque un doigt
Un loup le lui a croqué
Dans la terre l’a recraché
Le doigt a poussé
Brodé en mon sein
Les racines du mal

Moi je vis avec lui
Son sourire sarcastique
Rouge de désespoir
Ses mains froides
Le long de mon échine
Ses bras qui me serrent en étau
Il me dit que je ne suis pas belle
Que je ne suis pas celle ni Elle
Me conte des histoires terribles
Il n’a plus d’illusions
Alimente les vilénies humaines
Ses dents blanches sont miroir
D’un monde sans contours
Noyé des brumes des larmes

Je ne l’ai jamais compris
L’ai rejeté, craint de l’affronter
Et puis un soir je l’ai rencontré
De chair et d’os, l’âme délitée
Dans ses mots j’ai trouvé
L’enfant blessé
Les rêves écorchés
Alors je l’ai aimé

Seigneur de mes ténèbres
Il ne m’a jamais rien donné
Je lui volé quelques mots, des instants
Des moments, parcelles de moi
Il dit et fait tout haut
Ce que je pense tout bas
Ou ne pense encore pas
Il ose parce qu’il n’a pas le choix

Un soir il m’a rencontrée
De chair et d’os, l’âme légère
Il ne m’a jamais trouvée
Parce qu’il ne veut pas
Prendre le risque du bonheur déchu
Des racines qui se tissent
Avant d’être sectionnées

Mon seigneur des ténèbres

Y a rien à faire
Tu traînes tes pas perdus
Dans les cavités de mon cœur
Je sais qu’à ta manière
Tu m’as aimée un peu
Et c'est déjà beaucoup
Parce qu'alors je ne portais
Masque ni voile

Je ne dévoilerai
Ton nom ni celui de sa tanière
Pour qu’on ne t’enlève pas
Parce qu’on essaie toujours
De voler la désespérance
Mais tu es citadelle
Et de toi personne ne voudrait
Tu manques pourtant