26 septembre- Itinéraire parisien

Aujourd’hui, je vais vous parler de mon trajet quotidien et ça va être passionnant. Montez derrière moi, le nez au vent, cramponnez-vous à moi...
Pour me rendre au travail, je traverse trois galaxies et chaque matin je me dis, c'est loooooin... alors attention, essayez de visualiser.
Première galaxie, boulevard Voltaire, République, Rue de Turbigo. Dans cette galaxie, je navigue aisément car le boulevard Voltaire je le connais bien, l’emprunte à toute saison, à toute heure de la journée ou de la nuit. Le matin, le boulevard Voltaire ressemble à la prose de son auteur : automobilistes un peu agressifs mais en file indienne aisément contournable, l’église Saint-Ambroise m’arrête chaque fois à son feu; au départ le boulevard paraît long et encombré, mais en fait on l’enfile facilement, un petit coup de roue à gauche, un autre à droite en pied de nez. A République, c’est le tourniquet mais j'ai la priorité. A partir d’Arts et Métiers, ça commence à se corser, mais rien de neuf : du monde, des cafés, des boulangeries, des gens qui traversent, je suis toujours chez moi, dans ma galaxie. C’est alors qu’arrive… le tunnel des Halles. Ce tunnel, c'est une métaphore alambiquée et glissante. Passage d’une galaxie à l’autre. Souvenirs de l’avoir traversé tant de fois avec Cédric: je l’aimais bien alors parce que je n’avais pas peur, parce que lorsqu’il pleuvait ou faisait froid, ce tunnel c’était l’accalmie. Aujourd’hui, ce tunnel c’est pour moi quatre virages casse-gueule, mes mains qui se crispent sur les poignées du scooter dès que j’y entre. Lorsqu’il pleut, je me souviens de Cédric m'expliquant la dangerosité de ce tunnel en chaussée mouillée. Il ne faut pas m'expliquer parce que je risque alors de comprendre, de prendre conscience et donc... d'avoir peur. Dans le même temps, ce tunnel je l’aime car il réchauffe toujours et, passé le quatrième virage, s’amorce une grande montée à grimper à toute vitesse pour déboucher sur…. la seconde galaxie.

Dans cette galaxie, des mois durant, il était toujours la même heure. Invariablement et jusqu'à cette rentrée (cf. blog du 2 septembre), l’horloge du Pont Neuf indiquait trois heures moins vingt : du soir, du matin ? mystère… Peut-être l'horloge s'est-elle arrêtée en même temps que La Samaritaine? Dans cette galaxie, on entre sur des pavés, on traverse un pont et c’est beau, c’est un voyage. Le soleil se lève sur Notre-Dame. Le Pont Neuf est moment de répit avant la bataille rangée du Quai Conti puis du Quai Voltaire. Plus de boutiques, plus de passants, plus de gens, seulement des automobilistes, pressés, énervés, c’est la guerre ! Ca déboîte, ça klaxonne, ça s’énerve, ça pique des coups d’accélérateur ; il y a des voitures, des vélos, des scooters, des policiers, des bus, des cars de militaires, le camion des pompiers : c’est l’anarchie sociale. Tout rentre dans l’ordre lorsque se profile l’entrée des voies sur berge Rive Gauche, hop, on s’engage, on se suit, on longe la Seine, bleue, verte, scintillante ou grise. Les péniches sommeillent, les bateaux de cargaison remontent le cours paresseusement, pas très bien réveillés. Passer le pont de la Concorde, apercevoir la coque en libellule du Grand Palais, puis s’impose le Pont Alexandre III, ses deux femmes qui regardent couler l’eau, passer les bateaux, les heures et le temps, le vert de la rambarde, rehaussé de dorures. Je sors là. Traverse le pont. Troisième galaxie.

Dans cette galaxie, on voit la Tour Eiffel, éclatante, le nez embrumé ou dans les nuages, des hommes en smoking ou en costumes cravate, peu de Vélib, des femmes sauterelle Cacharel. On a quitté Voltaire, on flirte avec Montaigne, Marboeuf, Marot mais loin de la littérature, j’emprunte le Cours Albert Ier. Le mercredi c’est marché, c’est le bazar. Un bazar soigneusement rangé tout de même, où même les effluves d’épices et de nourriture arrivent un à un, ordonnée et non en bouquet. Avenue du Président Wilson, premier tronçon, RAS si ce n’est je ne sais quel bâtiment musée cerclé d’un parc qui exhale parfois ses odeurs d’herbe coupée, de fleurs ou de feuilles mouillées. Arrivée place d’Iéna, voitures de maître, diplomates, la rue de Lubeck à droite, que j’ai tant cherchée et où on attend beaucoup, longtemps, l'été souvent. Depuis quelques jours, des hommes élaguent buissons et arbres autour du Conseil Economique et Social, et brûlent les feuilles et les branches. Au feu, odeur de bois : normal… ça sent l’automne, premiers remugles de l’hiver et des cheminées. Second tronçon de l’avenue, un bonheur. Fluide, toujours, je file. Les arbres ici sont ma jauge à saison. Je les vois verdir à mesure, puis jaunir, brunir, s’effeuiller. Dans la perspective ce matin, la moitié a perdu ses feuilles, l’autre arbore fièrement un brun rouge flamboyant. Entre la place du Trocadéro et le second tronçon de l’avenue Wilson, un feu en lutte personnelle avec moi. Chaque matin je me dis que je vais l’avoir, je l’ai souvent au vert et lorsque je le vois au loin, je me dis s’il est rouge alors aujourd’hui il se passera ceci, s’il est vert… etc. Bref, à ce feu précisément se joue la radiosité de mon avenir. Je le passe, débouche place du Trocadéro, poussez-vous tous, j’ai la priorité et je suis arrivée. Et en retard aussi.

Voilà, une autre fois, récit de mon trajet passé en deux galaxies : XIIIe arrondissement-Montparnasse/ Invalides-Troca et d’un itinéraire bis en je ne sais combien de galaxies : Bastille-Concorde-Troca. Et puis il y a les possibilités de trajets retour en fonction des humeurs: Troca-Haussmann-Répu-Voltaire ou bien Troca-Assemblée nNtionale-Saint-Germain-Bastille ou encore Troca-Quais-Louvre-Gare de Lyon! Que d'aventures à venir...vertigineux...

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