29 février- Le parti pris des choses

Les hommes ont inventé les objets pour faciliter leur vie.
Mais certains, à leur façon, se rebellent contre cette condition.
Exemples...

Les fils!
Ils passent leur vie à s'emmêler par terre, au mur, derrière le téléphone et cinq cheveux blancs ne sont pas de trop pour perdre trois heures à défaire les noeuds et à restituer l'état initial et harmonieux des fils à terre.

La housse de couette!
Celle-là... déjà la repasser revient à toucher du doigt l'inanité de l'existence mais entrer la couette dedans... alors là... on s'y perd, on se débat, jamais les coins ne se placent au bon endroit!

La pochette du CD!
Son ouverture entraîne irrémédiablement la perte du sang froid et d'un ongle, mais... solution! Les MP3.

La pince à épiler!
Elle devrait entrer dans le langage courant pour remplacer l'expression chercher une aiguille dans une meule de foin, situation ma foi peu quotidienne. En revanche, chercher sa pince à épiler dans 30 mètres carrés, voilà qui relève du défi hebdomadaire! Elle se cache, se glisse dans le canapé ou dessous, tortuuuure.... Dans le même registre, il y a les clés qui semblent douées pour se télétransporter toutes les trois minutes du fond (très profond sinon c'est moins drôle) du sac aux poches des vestes en passant par celles du jean: ne les cherchons plus...

La télécommande!
Celle dont les piles sont toujours usées, qu'on brandit dans un accès de pouvoir pour finalement se dire que demain il faudrait penser à acheter des nouvelles piles.... En attendant, à coups de scotch ou de doigt glissé sous le clapet, on essaie de l'amadouer.

Et tant d'autres choses (je passe sous silence la Livebox, Internet, les logiciels et tout autre objet informatique...); liste susceptible d'être augmentée : il faudra repasser!


28 février- Silence

Je n'ai jamais oublié de rire
Ai retenu bien des sourires
Je n'ai pu dire
Trouver les mots non usités
Juste de moi pour toi

J'ai compté sur les silences
Brodés de l'accalmie du blanc
Silence en je ne sais pas
Passé, froissé, repassé sous silence
L'élan que tu m'inspires
Inspirer, expirer
Ravalé les palpitations de mon existence

Je n'ai pas su écrire
Tracer les mots
Pleins et déliés pour tes partitions

Je n'ai pas trouvé
Pour te dire, t'écrire, te chanter

Mon viens en main tendue
Mon ce que tu n'as pas chez moi tu le piocheras
Viens, donne, prends, reste
Adviendra que pourra
Nous aurons fait le pas

Soit je ne sais pas dire
Soit je ne sais pas écrire
Ou bien tu ne sais pas
Entendre l'éloquence
Des silences

26 février- Après

Après l’amour l’intense
Qui laisse béant un coin du ventre
Désert un bout de l’âme
Le corps a hissé son étendard
Sourire au bord des lèvres
Allongés sur le dos
Regarder des lucioles s’éloigner
En farandole

Après l’amour
Le souffle s’apaise
Il faut le reprendre
Comme le pouls du temps
Minutes en corps
Dans un moment suspendu se sont
Précipité, enivré d’éternité
Ou étiré les bras ouverts
A présent reprennent leur marche militaire
Sur le cadran

Après l’amour
On lâche la main de l’autre
Pour reprendre sa vie
En main
Dressé sur son séant
Dans les draps caverne d’espoirs
On ramasse
Conscience, mémoire, souvenirs
Les miettes de passé et les bribes d’avenir
Et on dit je dois partir

23 février- Le cirque

Le clown ouvre la danse
Le temps dans son sillage
Sur le dos des éléphants
Effleurer la voûte céleste
Ouvrir la bouche en grand
Gober les lampions
Lueurs éphémères
Dompter le lion
S’élancer sans filets
Etoile filante pour humer
Les odeurs de frites et d’encens
Dans le poing attraper la poussière
En rires d’enfants
Bing, retentit la cymbale
Et le contorsionniste
Fait son numéro de vie
Le clown revient
Passe larme rouge à gauche

21 février- Retour

Temps de recommencer
Sous une couverture
Je me suis cachée
Dans le noir j'ai retrouvé
Des instants bulles de savon
Les sourires en nacelle
Puis j'ai pris du sable
J'ai tout gommé
Doucement sans mal
J'ai empli ma tête
Du ressac des vagues
Coloré mes joues
Aux miettes de soleil
Puis je me suis levée
Forte et sans peurs
Pas même de mourir
On meurt tant de fois
Et sur le dos de nos mains
J'ai inscrit le mot fin

15 février- Ici, mais pas maintenant

Texte retrouvé et inachevé, écriture: 14 août 2006


A Tunis, tenir à un fil, suspendue entre chaleur suffocante et souffle d'air. La fraîcheur de la villa qu’on lave à grands seaux d’eau, la nudité des pièces et des murs, le soleil qui filtre à travers les persiennes. La dalle, le marbre, le blanc. Les chats malingres errent dans les rues. Absence de hauteurs, la tête directement dans le ciel. Les feuillages verts, ponctués de rouge, d’orange et de mauve, dégueulent des murs de clôture. Les grillons, obsédants. Le soir, le claquement des sabots du mulet qui passe, dans les langueurs de la sieste salvatrice, les appels du muezzin. Les conversations, fortes, en arabe, sur fond de klaxons, de crissements de pneus, d'odeurs d'essence et d'égouts. La circulation coule en jaune des taxis. Tunis n’est pas une ville où l’on marche ; elle s’étend et la vie se distille sans quartier de prédilection. Hormis le souk, centre névralgique du tourisme. Ses quartiers huppés et fréquentés ne lui appartiennent pas vraiment : la Marsa, Sidi Bousaïd. Là où se trouve la mer. Dans la journée, on traverse la ville en voiture pour se rendre d’un point à l’autre. L’odeur des poubelles se mêle à celle des palmiers et de la chaleur du sol, entre ciment et terre battue. La ville est comme abandonnée aux chats et aux chiens. Mais la nuit, la sensation est toute autre, la ville vibre d’un bout à l’autre, comme parcourue par un fil de corde à linge. Jamais beaucoup de monde en un endroit, mais des gens partout. Fenêtres et portes sont ouvertes par lesquelles s’échappent musique, télévision et fumets. Sur leurs perrons, des hommes fument le narguilé. Ici, à 2 heures du matin, une devanture ouverte de crèmes glacées, là une boulangerie ou un épicier. La nuit n’est pas lumineuse, plutôt sonore. On peut sillonner Tunis en voiture, les fenêtres ouvertes, fermer les yeux et ouvrir ses oreilles et son nez. Les bruits, les odeurs, toute cette vie fourmillante, me titillent, m’agacent, tout est familier, je suis chez moi et pourtant étrangère. Puis je quitte la capitale. Le trajet m’émeut parce qu’il n’a sans doute jamais changé. Avant-goût du désert dans les volutes du vent tiède, petit sirocco. La route est trouée, chaotique, les gens conduisent n’importe comment n’importe quel véhicule : tracteurs, vélos, mulet ou mobylette, sur l’autoroute. L’air tiède s’engouffre, caresse mon visage. Il apporte des remugles de sable souffré et du cactus pimenté. Le long de la route, une bande de sable, à peine parsemée de quelques maisons. Des palmiers et une nuit gorgée d’étoiles. A mesure que je me laisse envahir par les odeurs, je m’assoupis. Langueur bercée par les conversations en arabe de mes compagnons de voyage. Je vais à Sousse en louage.


13 février- Ici, le ciel

Ici dans ce pays
Le ciel a trouvé son pluriel
Pour se sentir moins seul
Les cieux
Soirs et aubes de feu

Les nuages s’ourlent aux paupières
S’égarer dans l’immensité
Partout, à rien ne s'écorche
Se tord dans les ruelles
Serpente et demeure

A chaque seconde du monde
Le ciel remercie le pays
L’abreuve de lumière
Découvre le soleil
Réfléchit les chants du muezzin
Accueille les toits du minaret
Délègue ses oiseaux pour égayer les âmes
Décuple la mer
Et c’est l’éternité

11 février- Ici, les chats

La ville est bordée par la mer, l'air et les maisons sont imbibés d'humidité. Partout elle pénètre, laisse une odeur rance à l'intérieur. Il fait meilleur dehors alors j'ouvre tout, fenêtres et portes, pour que le soleil aspire l'eau des murs, et je m'installe dans la cour. J'entends des bruits, la maison frémit, je rentre, il y a des chats partout. Partout. Des petits et des grands, des blancs, des roux, des gris, faméliques, sales, certains n'ont plus de queue, un autre claudique et chaque mouvement de pattes lui coûte. Il ne parvient pas à s'assoir. Ils tournent autour d'une casserole où trempe du pain. L'un d'eux a commencé à manger, frénétiquement: du pain et de l'eau. Je le chasse, je les chasse, dehors l'arbre de la cour est plein d'yeux. Je ne sais plus où donner de la tête ni que faire, ils crèvent de faim. Ils ont peur de moi et pourtant leurs yeux savent apprivoiser l'humain: ils clignent, me regardent, suppliant. Finalement, je les ai tous laissés vider la casserole.

9 février- Retrouvailles

Lorsque je la retrouve, quelque chose s'apaise de facto. L'aiguille de l'horloge, le flux des pensées? L'interrogation lancinante du pourquoi être (là)? Sa présence, seule évidence, comme le sang dans mon corps dont j'oublie la présence avant de me couper. Chaque fois je me demande comment j'ai pu rester si longtemps si loin d'elle. Ce soir, une fois n'est pas coutume, elle révèle sa fougue. Son ire en écume tente d'égaler les flots de l'océan. Ses langues dévorent le sable. Ses rouleaux parfaits creusent des tunnels; entre le blanc et le bleu s'éfile le vert émeraude. Ses chevaux galopent, ruisselants de soleil. Sa colère est protégée par un épais nuage, gris mordoré de rose, immobile qui surveille. Des heures à la regarder, l'écouter, la sentir, s'imbiber de son souvenir... la mer de l'hiver. Je rentre les yeux pailletés du soleil qui se couche entre ses vagues en draps et mes oreilles ont la forme de coquillages.

Demain je la verrai encore.

8 février- Départ

Cette nuit a ouvert
Dans une goutte de pluie
Sous ma paupière
Les tunnels du voyage
Eléments du poème
La ligne bleue des montagnes
Les sapins et la roche brune
La terre rouge poudre des joues
Les arbres décharnés
Le ciel décoloré du blanc au rose
Percé de trouées bleues
L'herbe sèche et blonde
Comme tes cheveux
Les arbres décharnés
Totems à sorcières
Le cygne et le canard
En un vol solitaire
Le triangle d'oiseaux
Qui fend le ciel
Quand je serai grande
J'aimerais
Etre dévoreuse de paysages

6 février- Promenade

Dans les branches des arbres
Nids ou boules de gui
Le soir décline
La terre transpire en volutes
Grincent puis claquent les volets
Le froid lance ses flèches
Remonter l'écharpe
Entrer les mains dans les poches
Dans le village des lueurs chaudes
Disséminées derrière les carreaux
L'odeur des cheminées
Se faufile vers mes narines
Une corneille déchire le silence
Dernier cri avant la nuit
Il est temps essentiel
Pause du cœur sur la partition
De retrouver le chat
Enroulé près de l'âtre

4 février- Cancer

Ces dernières décennies le cancer
Signe ascendant
Crabe aux pinces carnivores
Se repait des chairs
Dissèque les intérieurs
Lambeaux
Patient, goûte le jus de la torture
S'en lèche les babines
Tricote ses tumeurs
Et je n'oublie pas
L'oiseau blessé sur la plage
Impossible de voler
Sautiller, boitiller
Et la horde de crabes
Qui se rue sur lui