30 avril 2007- Le mal

Il y a le mal de vivre
Et d’autres maux

Le mal a dit de dos
Une posture au monde
Atlas le porter
Ou l’incapacité à s’y enraciner
L’aiguille à tricoter
Les mailles de l’existence
Pique et perce
Et le corps ploie
Sous un coup asséné
Au creux des hanches
Qui vous met à genoux

Le mal a dit de ventre
Engloutir le monde
Et ne pas digérer
Contenir, pétrir
Et ne rien dire
Envie de vomir
Sans y parvenir
Garder les autres en blocs
Qui s’affrontent
Le long des intestins
Et remontent jusqu’au cœur
Fatigué des assauts

Le mal a dit de tête
Le monde tourne et chavire
Cherche à asservir
Chaque pore du cerveau
Saoule à coups de marteau
Ou sur un coin précis
Appuie de ses deux pouces
Jusqu’à ce que de soi
Sortent des yeux
Qu’aveugle on cherche à terre

Le mal a dit
Ce ne sont que des mots
Emprisonnés

Au creux de tes mains
Ou entre mes pages
Privé de maux
Le mal se tait

28 avril 2007- Le pont

Sans doute le pont unit-il deux rives
Peut-être trois
Ver si long
On ne voit pas le bout
Surplombe l'eau grise
Dense des reflets de branches
Danse du froissement des ailes d'un oiseau
En étoles langoureuses la brume monte
Et le ciel s'écaille d'un hululement de chouette
Sur son bec je pose un doigt et lui dis chut
Ses yeux ronds écarquillés
Surpris et rieurs
Sont ceux de l'enfant
L'eau exhale les parfums des fleurs
Le long de mes narines la brume hisse
Des remugles de pleurs
Et lorsque la substance entière inonde
Le silence ouaté et cette vision du monde
On traverse le pont
Comme on marche sur l'eau

27 avril 2007- Hirondelles

Les hirondelles sont là! Pour l'heure, peu de temps donc c'est tout, mais si on écoute bien et qu'on ouvre les yeux, c'est déjà beaucoup...

26 avril 2007- Le photographe

Le photographe
Guillotineur du quart de seconde
Debout, les pieds enracinés
Statufié, la colonne verticale en fil tendu
Balancier de tout son corps
A peine si le genou ploie
Sur la corde du temps, cherche l’équilibre
En élastique dompte le moment
Un boîtier l’aimante au monde
L’angle de la lorgnette lève le voile
Joue des lumières et des ombres
Le photographe est un passage
Les mains se font mâchoire
Son corps se tend vers l’instant
La bouche se plisse en rictus
L’œil gauche se ferme en rideau
Cyclope
Une tringle en veine remonte à la tempe
Quérir le rythme et le pouls
Un visage en grimace sillonnée de plis
Au creux desquels se loge l’imminence
Le mouvement et l’idée
La couleur et le grain
Capturés, guillotinés

25 avril 2007- Nota Bene

Lorsque j'ai ouvert ce blog, il y a des textes que je n'ai pas publiés dans leur intégralité (coupures signalées par (...)). Aujourd'hui, j'ai finalement publié le poème du 12 mars en entier (cf. 12 mars donc).
J'ajoute que je publie tous les commentaires, quelle que soit leur tonalité (sauf les messages hyper intimes du type, stp, n'oublie pas qu'on n'a plus de liquide vaisselle (!!!). Mais je ne publie pas les commentaires anonymes, quelle que soit leur tonalité également: il n'est pas difficile de me laisser un signe pour vous identifier...

25 avril 2007- Pour Martin, en réponse

Ecrire c’est apprendre à respirer
Lorsqu’il parait que la moitié d’entre nous
Ne savent pas
L’écriture se fait discipline
Pour retrouver son souffle

Inspiration d’abord, lente ou goulue
Où aux parois des poumons
Le goudron de la clope

Et la glue des années
Collent des émotions
Mouchetées en punaises

A la tête monte l’air en mots
Par bouffées ou en filets
Folle farandole ou bulles de savon
Exhalent le vertige du vide
Lorsque les mots manquent
Toucher de l’âme
Le gouffre de l’ignorance

Le cœur se gorge de sensations
De détails que les yeux lui racontent

Bouffer un dictionnaire
Maturation
Incubation

Chercher son rythme, son pouls
S’apaiser bercé

Ou étouffer culbuté
Les mots sont des palpitations
Rythme cardiaque
Ou lames pointues qui égorgent

Puis, expiration
Logorrhée en bile
Ou mélopée aérienne
Du bout de l’ongle
Fouiller jusqu’aux chairs
Racler, poncer
Restituer

Une émotion
Un regard en bourgeon

Ecrire c’est nier la raison
Pour n’en avoir qu’une
Cheviller son ventre à ses yeux
Se lever chaque matin
Pour quelqu’un
Quelque chose
Un instant

Surtout, on peut écrire comme on respire
Partout
C’est pour cela, Martin, que je ne cesserai pas

Ainsi que je fais exister les gens autour de moi
Ainsi que je leur donne du poids auprès de moi
Ne pas écrire c’est survivre
Cela arrive mais ne saurait durer
Qu’importe le talent
Ecrire c’est partager
De soi à soi a minima
Etre toujours à une page
Du monde
Pour qu’il ne me dévore pas
Ecrire c’est surtout
Caresser un visage
Effleurer une âme de la plume
Côté plume

23 avril 2007- Sans contenu

Et maintenant, interro.
La nouvelle publiée la semaine dernière s'inspire d'un mythe et de deux pièces de théâtre: lesquels?
A gagner: quelque chose (forcément!), que je définirai en fonction du ou de la gagnant(e). Didascalies: rires.
Mes parents sont interdits de jeu, Nadège et Alfred également :-))


Pour le reste, pas envie d'écrire aujourd'hui, maizalors pas du tout, comme Ségolène a dit hier "Compatriotes, j'auraizacoeur de je ne sais plus quoi": il n'y a pas de -s- au futur Mme Royal, maizilestvrai que le conditionnel vous sied mieux (et je ne ferai pas de jeu de mots facile). Usage du conditionnel, exemple: il conviendrait, devant cette liaison plus que dangereuse, mais votre parti n'est plus à une liaison près, de revoir, comme vous le prônez, l'éducation dans notre pays. Outre la conjugaison, peut-être pourriez-vous y introduire des cours d'histoire car vous semblez avoir la mémoire courte, voire de morale?

Qu'importe les modes de toutes façons: ils passent. D'ici peu, présent de l'indicatif et impératif seront de rigueur. Le passé, souvenirs émus des aventures du Petit Nicolas et de toute sa bande ministérielle (souvenez-vous... Alceste, Clotaire, Eudes, Rufus...), va en prendre un coup. Voire du plomb dans l'aile... Quant au futur, avez-vous déjà remarqué qu'une seule lettre distingue suite de fuite?

20 avril- Commentaire: mode d'emploi

Pour faire suite au blog du 18 avril, étant donné qu'il en est parmi vous qui ne semblent guère doués pour utiliser internet et qui m'ont adressé leurs commentaires par mail et même par courrier (si, si, avec un timbre, un facteur, une gardienne, tout ça: j'aime beaucoup) parce qu'ils ne savent pas laisser un commentaire ici, rappel:
Pour laisser un commentaire, cliquer sur XXX (chiffres) commentaires qui apparait en bas de chaque texte, puis....
Selon que vous avez un compte google ou pas, vous cliquez sur Google ou Anonyme, puis...

Vous écrivez votre commentaire qui sera publié après que moi, censeur, j'ai dit d'accord, histoire que personne ne ressorte de vieux dossiers* litigieux ou domestiques en public :-))))
Puis voilà!!! Plus d'excuse fallacieuses maintenant.
Et bientôt, ici même, un fantastique jeu concours !!!

19 avril 2007- Au lecteur

Salut lecteur de ce blog, assidu ou de passage. Aujourd'hui, je pousse un cri de rage, voire de désespoir (oh vieillesse ennemie!) car ce "lieu" est hanté par des âmes qui ne prennent jamais plume. Je te connais un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ou pas du tout, qu'importe : les textes défilent, chaque jour, et.... aucune réaction, pas de commentaires, pas de critiques, pas le moindre sursaut de vie. RIEN, le néant! Allez, un p'tit mail pour te présenter, un p'tit commentaire sur un texte, un coup de gueule, un coup de coeur, un coup de plume! Ou bien je vais finir par mettre la clé des champs sous la porte cochère ou, pire, par lancer un jeu concours! (On relèvera la récurrence des points d'exclamation, témoignage de mon indignation).

18 avril - Nouvelle supprimée

Du 18 au 20 avril, publication d'une nouvelle: je l'ai enlevée parce qu'elle était trop longue, et parce qu'elle ne correspond finalement pas à ce blog, expression spontanée et quotidienne.

16 avril 2007- Si tu regardes le monde

Si tu regardes le monde, il est saillant d’arêtes qui déchirent jusqu’à l’écartèlement. Et pourtant.
Si tu rétrécis à ton monde, tu poliras les angles et creuseras pour te nicher. T’agripper.
Si tu regardes les hommes, ça foisonne de bêtise, de mesquinerie et de cruauté. Et pourtant.
Si tu rétrécis à ton monde, tes amis sont autant de routes pour avancer.
Si tu te regardes, tu es peu fier, sillonné de remous et sans ancrage. Et pourtant.
Si tu rétrécis à ton monde, que tu te concentres, tu devines et tu sais que sommeille en toi une partition. Et de l’encre.
Si tu regardes ailleurs, il y a les guerres, la misère, partout des râles et des derniers soupirs. L’agonie. Sans armes que des larmes. Et pourtant.
Si tu rétrécis à ton monde, tu trouveras les moyens d’agir humblement, et tu verras soudain, juste à côté de toi, des existences à soutenir, à influencer et au coeur desquelles compter.
Si tu me regardes, je suis une femme. Et pourtant.
Si tu ouvres ton âme comme des mains en creuset, tu dépasseras la binarité originelle pour t’imprégner de mon humanité. Générosité, tendresse et compassion.
Mais ne fais rien de tout cela, ne rétrécis pas ton monde, ouvre plutôt les yeux. Il n’y a pas un chemin mais une foultitude de sentiers.
Tu dis je suis pris dans l’engrenage d’une machine qui me broie. Verses-y des notes et des parfums, des rires et des paroles. Tant d’instants volés comme autant de raisons d’être en vie.
Relève la tête, redresse l’échine, dérouille tes jambes et marche.
Ta solitude, lame glacée sur mon ventre aiguille mes intestins, corde pour amarrer ton désespoir.
Découpe en pointillés mon nombril et mon identité, je ne suis personne, pas même du vent, à peine un souffle cadencé, je ne sais ni ne sens, je ne vis ni ne vaux.
Ta présence m’efface. Donc c'est non et pourtant.
Tu dis, je n’existe pas. Je ne vis que si on me regarde et si on me donne. Toi, regarde et donne.
Que ta terre en friche devienne au moins jachère.

12 avril 2007- Elections

Pas eu le temps aujourd'hui, simplement
Voici deux élections présidentielles de suite
Que je ne vote plus pour
Mais contre
Et je trouve cela inquiétant

11 avril 2007- Pour Cédric: mon scooter

En février, mon scooter et moi avons fêté nos un an. Une année chargée, pour lui et moi. Au début, mon scooter s’était dit que la vie avec moi serait douce et peinarde. Né dans la plus belle ville du monde, il dormait bien au chaud, aux côtés d’un compagnon de route et d’une voiture bienveillante. Petit dernier de la bande, ses copains veillaient sur lui, lui prodiguaient des conseils tout en enviant secrètement sa jupe et ses manchons fourrés. En somme, enviaient leur copain d’être un scooter de fille… Mon scooter, durant les premiers mois, il en ramait pas une, traversant Paris jusqu’à République trois fois par semaine et point, évitant tout au plus les manifestants anti-CPE. Sous sa selle pourtant ronronnaient des rêves d’évasion qu’il manifestait parfois intempestivement, orientant ses roues à sa guise et nous perdant dans Paris. A plusieurs reprises, il fit également mine de s’évanouir au démarrage… ooops, mes petits bras tentaient de retenir ses 110 kilos avant que je me retrouve ballante dans la rue, devant cette masse d’acier impossible à relever seule. Il mettait de la mauvaise volonté, caractériel, me lançait un défi. Je pris alors conscience que mon scooter et moi nous étions bien trouvés. Certes, il ne paye pas de mine et il est petit, mais il a, comme moi, une importante capacité de rangement voire d’encaissement et, aux feux, les grosses machines ne font pas les malines, car sous ses airs bonhommes, mon scooter camoufle une nervosité soigneusement entretenue. Il a la hargne chevillée au corps, veut franchir les distances pour aller il ne pas sait où mais il s’en fout pourvu que ce soit quelque part, avaler des kilomètres le museau au vent et contourner les obstacles. Un jour, un automobiliste, sur le pont Henri IV, osa me poser la question : « c’est un 125, ça ? », ce à quoi mon scooter répondit, « comment ça, ça ? Chuis p’tit mais c’est nerveux ». Désarçonné, l’automobiliste ferma sa fenêtre en maugréant. Bref…

Juin marqua pour mon scooter le début d’une nouvelle vie, plus éreintante. Il découvrit Meudon sous un soleil de plomb. Puis les entretiens d’embauche dans les quartiers chics où nous étions, lui et moi, désorientés, tentant de suivre le papier Mappy… avenue de la Grande Armée, rue de Leipzig, avenue Monceau, avant de poser notre dévolu sur l’avenue d’Eylau. Ma monture d'acier découvrit également le Sentier et la rue d’Uzès où il fit connaissance avec un nouveau copain, le scooter tout pourri, cassé, borgne et sale de Gaël. Mon scooter rechignait à devenir ami avec celui de Gaël, mais je lui fis un cours magistral sur la sociabilité et sur les apparences trompeuses. Je lui expliquai que, sous ses 50 cm3, le scooter de Gaël dissimulait un cœur plus gros de générosité que la plupart des 250 cm3, si ce n’est plus. Mais tout de même, il était fatigué: beaucoup de route, des complexes d’infériorité par rapport à ses congénères dédaigneux et rutilants du 16e ; il faisait chaud, je le transformais en tortue, le chargeant d’un tas d’affaires qu’il trimballait de la rue d’Uzès au boulevard Saint-Marcel, où des pigeons le recouvraient copieusement de fientes.

Fin août, je décidai de lui octroyer quelques vacances. Il retrouva sa maison d’antan et s’y reposa dix jours durant. Il se vida complètement de son stress et de sa batterie aussi. En rentrant je lui dis : « ressaisis-toi, recharge-toi, il faut aller de l’avant, toi et moi on va affronter l’hiver ». Dans un hoquet lourd de sanglots et de non-dits, il accepta de reprendre la route. L’hiver fut long pour lui. La nuit, il dormait dehors. Impossible de lier connaissance avec ses voisins, une mobylette sénile et une grosse moto bleue sportive et hautaine. Seul, il était seul, et tellement moche que personne n’essayait de briser sa chaîne pour l’enlever et l’emmener sous des cieux plus radieux. A peine quelques clochards s’asseyaient dessus durant la nuit et écrasaient leurs cigarettes sur sa jupe. Chaque matin, tous les matins même, il fallait partir. Petit à petit, mon scooter perdit le moral, traînant des roues, ne trouvant plus l’énergie nécessaire pour démarrer le matin. Le même trajet, toujours. J’avais beau faire en sorte qu’il retrouve le plus possible son copain, le scooter de Gaël, rue Jules Vallès, rien n’y faisait. J’appelais Wahed à la rescousse pour lui faire des appels du pied, lui parler d’homme à homme, via le kick. Pour ses 6000 kilomètres, je lui offris même une séance chez le psychothérapeute MBK: vidange des soucis, regonflage des pneus, la totale… mais non, il était fatigué mon scooter. La pluie avait usé sa jupe, fané son bronze, et il affrontait difficilement les temps de larmes, dérapant sur les pavés saillants des Invalides ou le long des bandes blanches du pont Alexandre III. De mon côté, j’étais bien en peine de le voir amer et résolus donc de lui laisser ses week-ends libres et de prendre le métro. Je lui concédai même dix jours de vacances fin février ; mais mon scooter, regagnant pour l’occasion son ancienne maison, fut submergé par les souvenirs, la nostalgie, la peur de l’avenir et, ne retrouvant plus ses anciens compagnons de route qui lui auraient sans doute insufflé des forces, il devint mélancolique. C’en était trop, s'il eût su écrire, il aurait couché des lettres d'huile sur du papier. Fatigué de rouler, de porter, de donner, mon scooter résolut, dès mon retour, de se suicider en se jetant la tête la première sur la voiture d’un livreur du Bon Marché. Que l’acte ultime devienne symbolique, lorsque le 13e arrondissement affronte le 7e dans un dernier sursaut de vie, et que le scooter anonyme se suicide sur le capot d’un suppôt de la société de consommation. C’était sans compter sur ses propres forces qu’il ne soupçonnait pas. L’avant de la voiture fut pulvérisé, et lui récolta une égratignure. De l’incident, mon scooter sortit ragaillardi, fier de sa capacité de résistance aux chocs et d’avoir symboliquement laminé un empire d’un simple coup de tête. De plus, il gagna au passage une carrosserie neuve et un nouveau phare, ce que je vois comme une métaphore, lumière perçant les ténèbres. Le voici reparti. Nous voici repartis, lui et moi, à l’assaut. Je doute toutefois de sa force morale pour franchir les temps de larmes à venir sans tomber, et envisage donc de le remplacer. Comment lui dire ? Comment lui assurer une vie plus sereine et tranquille, le long de routes qui ne soient pas routine ?

10 avril 2007- Mes grands-parents

Aujourd’hui, vision de mes grands-parents du calendrier chrétien.

J’ai des grands-parents croyants qui vont à la messe et aussi, hélas, à l’urne les jours d’élection. Mais c’est un autre sujet.

Comme la majorité des grands-parents, les miens me glissent un chèque lors des occasions. Or, je remarque que les montants varient selon les fêtes et j’en déduis donc qu’il existe une échelle d’importance des épisodes de la vie de notre Saigneur, ou plutôt du leur. (Notons qu’avant d’écrire cette chronique, je me suis renseignée auprès d’un curé pour savoir si les écrits de blogs pouvaient être comptabilisés comme blasphèmes le jour de mon jugement dernier et que ce dernier, justement, n’a su que répondre, Dieu ne l’ayant vraisemblablement pas encore informé de ses ultimes résolutions quant à la gestion de la morale chrétienne sur les pages virtuelles volantes. Bref, je prends le risque !)

Donc... la vision du calendrier chrétien (dans l’ordre) par mes grands-parents :

Noël, la nativité, c’est jackpot : 300 € en moyenne. Il faut dire que sans Noël, pas de petit Jésus qui deviendra grand ou à peine, donc il faut marquer le coup.

En janvier, pas de fête chrétienne, mais ma nativité à moi qui semble compter autant que celle du petit Jésus : 300 € en moyenne aussi. De fait, je me sens placée sur un piédestal ou sur un pied d’étable, et dans le même temps pèse sur mes épaules la lourde tâche de compter auprès de l’humanité autant que le petit Jésus. J’envisage toutefois des voies certes impénétrables mais sensiblement différentes.

Le vendredi saint (pour info, il s’agit de celui qui précède le dimanche de Pâques) : rien, nada. A cela, je vois deux explications : tout d’abord, commémorer la crucifixion de Jésus revient à se réjouir d’une souffrance atroce qui ne saurait constituer l’occasion pour autrui de s’enrichir (non voyons, qui ferait cela ?). Seconde raison, trois jours après le vendredi saint (où j’ai mangé de la viande et même pas maigre, mon Dieu pardonnez-moi c’est la faute de mon colocataire)… Pâques.

Pâques (notons d'abord une parole essentielle prononcée par Jésus à cette occasion: "Célébrons donc la fête, non avec du vieux levain, ni avec un levain de perfidie et de méchanceté, mais avec les PAINS (eh oui...!) sans levain de la sincérité et de la vérité)... Bon, Pâques: 200 €. Alors là, tout de même, je remarque que la résurrection a une valeur marchande moins élevée que la naissance alors qu’il s’agit, a priori, d’un phénomène plus rare. Mais bon, 200 € (et un complément oeufs) parce que la naissance passe encore, la résurrection, on doute un peu tout de même. Mes grands-parents ont les pieds sur terre… et c’est pourquoi…

… l’Ascension : niet, 0 € ! Jésus monte au ciel et là, c’est trop ? La résurrection, déjà bon... mais l’ascension… on demande à voir ! Et quand bien même ce phénomène paranormal aurait-il eu lieu qu’on ne célèbrerait pas le départ de Jésus sur cette Terre où il est tant regretté.

Pour finir, la Pentecôte : déni le plus total. Faut dire que Jésus n’est plus de la partie et que le Saint-Esprit est devenu si désuet que Raffarin lui-même a décidé que le lundi de Pentecôte, désormais, on le donnait pour nos vieux. Résultat : plus de grasse matinée sur le dos du Saint-Esprit, c’est moi ce jour-là qui travaille pour mes grands-parents…

Enfin, pour moi, Jésus c'est, grâce à mes grands-parents, quelques à côté encore que si vous avez bien compté, Jésus me dégage presque un smic annuel, mais c'est surtout mon gagne-PAIN, car y aurait-il eu autant de boulangers si Jésus n'avait dit, un jour, en rompant le PAIN, "ceci est mon corps"? Tiens, s'il avait cassé une plaquette de chocolat Milka... j'écrirais aujourd'hui pour les vaches et les marmottes!

9 avril 2007- Gare de Lyon

Dans un café gare de Lyon où tous les fumeurs se pressent parce qu’il est interdit de fumer depuis le 1er février… Une mère et ses deux enfants. Le premier doit avoir quinze ans, la tête de celui qui n’en revient pas, de l’enfance, un visage plein de chtars qui ne me revient pas. N’écoute ni ne voit rien de ce qui se passe autour de lui. Se trouverait parmi les détenus dans la cour de récré de la Santé que ce serait pareil. Pendu au téléphone parce que en parisien qui n’a jamais vu plus loin que le périph, il ne peut se pendre à un arbre; je ne cerne pas la teneur de sa conversation tant elle est vide. Le second a onze ans et cet âge je l’ai toujours détesté et redouté tant je le trouve bâtard: allez savoir pourquoi, je n’ai jamais su le distinguer de Louis XI, l’universelle araignée qui se hissait le long des toiles de mes rêves de gosse. Alors, les gosses de onze ans, je les repère tout de suite, ne me trompe jamais: lui, il a onze ans. Il est gros, porcin. Lui, est accroché tel une araignée à sa game boy, sa masse graisseuse, boudinée dans un jogging de velours, tressaute au rythme des obstacles virtuels. Manque de pudeur limite indécent. N’écoute ni ne voit rien de ce qui se passe autour de lui. La mère est seule, chacun de ses fils s’impose en parenthèse qui l’enferment. Des yeux, elle cherche auprès des gens qui l’entourent un regard auquel se suspendre, ses yeux divaguent. A cet instant je sens que tout s’arrête, que cette femme dans le café de cette gare vit un moment suspendu de bilan. «Je suis seule, mes enfants ne me voient même pas, qu’ai-je fait pour mériter ça, suis-je responsable ?». Peut-être ne se dit-elle pas ça, mais alors pas du tout, mais en tout cas sa main droite se crispe sur le rebord de la table. Et elle se dit quelque chose, fixement. Ses yeux s’ourlent de vaguelettes qui ne s’écoulent pas. Soudain, elle se lève, s’extirpe de son désespoir et se dirige vers les toilettes, pour aller, peut-être, vomir sa bile. Elle tombe d’un coup, s’affaisse, le fil se sa vie ploie et lâche. Comme une corde, elle gît. Le fils porcin pousse un cri parce qu’il vient de se prendre une balle, « you loose… Game over ». Le second lui demande de faire moins de bruit. Derrière eux, leur mère ne se relève pas. Et c’est tout.

6 avril 2007- L'arrière-cour

L’arrière-cour hisse des murs
Piqués de crépis
Auxquels se suspendent
Quelques copeaux de vie
L’assiette qu’on pose
Un enfant qui pleure
La chasse d’eau qu’on tire
Un rire qui s’élance
Des notes rondes et croches
Une fourchette un couteau
Amorcent un concerto
Conversations étouffées
Par des mets qui rissolent
Et la tourterelle
Roucoule en point d’orgue
L’arrière-cour concentre
Elève des murs
Veinés de fissures
Ravissent les bruits en miettes
Ici depuis cent ans
Les existences s’épanchent
Piquantes fleurs sauvages
Sur le béton armé
Première lumière printanière
Une fenêtre s’entrebâille
Entre le souffle tiède, enfin
Distille en embruns
Les bruits de l’arrière cour
Frémissantes lueurs
S’unissent dans une chambre
Et bercent aux heures de sieste

5 avril 2007- Les collègues

Mes collègues c’est une colonie de gens bizarres
Il y a Annie, la standardiste qui écorche tous les noms de vos interlocuteurs
Un jour, elle me dit, « je te passe ton frère »
Alors je lui réponds « oui, oui, passe-le moi, il va voir de quel bois je me chauffe celui-là : si longtemps sans nouvelles ! »
Parce que de frère, je n’en ai hélas pas
Il y a Xavier, préposé au courrier
Qui porte des brassières et met du rimmel
Me demande des conseils sur l'achat de collants
Un matin, je lui dis, « Xavier, vous revenez de chez le coiffeur ? Vous avez une nuque superbe »
Alors il passe délicatement sa main sur son cou et, avec un sourire pudique et flatté, me répond : « Vous trouvez ?! »
Il y a mon chef qui part en Tanzanie et me raconte les serpents qui mordent et ceux qui étouffent, ceux qui tombent des branches et ceux qui sont dans l'eau
Il part ce soir, pourvu qu'il revienne car c'est quelqu'un de bien et, un jour, je lui dédierai un poème
Il a la lubie étrange
De collectionner les étiquettes de soutiens-gorge de toutes les collaboratrices de la maison
Qu'il épingle dans un cadre, étiquette, prénom,
date
Il m'a même montré, le plus sérieusement du monde
Comment calculer la taille d'un bonnet
Par rapport à la largeur du dos
Se fixe des challenges, m’envoie en éclaireuse
Lui et moi, on travaille mais on rit aussi
Il s'efforce de caler nos réunions
Dans les créneaux horaires où je peux
Bronzer dans son bureau par la même occasion
Il y a Catherine, à laquelle je demande, « Catherine, il reste des trombones ? » et qui me répond, « non, mais si tu veux, il y a des trombones ».
Il y a Didier, le directeur du journal, un vrai bougon-macquart, soupe au lait à souhait mais lait entier : une vraie crème
Il y a la férue d’équitation et la férue d’éducation
Une p’tite bonne femme porcelaine aux joues roses de poupée
Une psychorigide drapée de dignité
Une perle de bonne humeur, au régime chaque midi, qui porte le prénom du personnage de mon roman, que je n’avais pourtant jamais rencontré auparavant
Et deux juristes croque-mort qu’on malmène gentiment au repas de fin d’année (exclusivement)
Evidemment, y a aussi des méchants et comme les méchants vont par paire pour se (ré)con-forter, ils sont deux: une névrosée d’aigreur et un névrosé tout court
La première en sorcière se cloître dans son beffroi
Et le second, hélas, court toujours
Et puis, à tous les étages, il y a des crocodiles, des tortues, des chats et des lapins en PAIN qui se promènent : c’est la jungle
Le vendredi y a des croissants
En janvier la galette où personne n’a la fève car tout le monde l’avale
Pour ne pas s’encombrer de la lourde responsabilité de désigner un roi
On pourrait en effet, tout le reste de l'année, payer ce choix délicat
On fête les anniversaires qu’on arrose de champagne
On parle beaucoup météo et du mince, y a plus d’saisons
Et puis du, alors Ségo ou Sarko?
On a une cuisine et même la machine à expresso de Georges Clooney
C'est sûr qu'il manque Georges, mais enfin sans défis
La vie serait moins drôle
On a aussi les "ça va? oui, comme un lundi"
Et mon bureau ouvre sur une cour
Où le soleil drague les balustrades
S'unissent sur les murs blancs immaculés
Jeux de lumières subtils
Et à 17 heures précises
L’envol des étourneaux
Fait palpiter mon carré
De ciel

3 avril 2007- Pour Nora

Plus de vingt ans c’est peu
Lorsque je sens
Que la plupart
Ne la vivra jamais
J’ai cherché l’amitié
L’ai brisée
Lorsqu’elle me décevait
Et puis j’ai rencontré
Nora
(oh, oh Nora ! y a tant de phrases qu'on dit que je ne dirai pas :-)
Avec Nora
C’est de l’indescriptible
Le mot et l’image
Epuisent l’indicible
Mais il faut essayer
Rien que pour la faire rire
Elle qui dit
"Tes poèmes sont looooongs"
Va falloir que j’indique
Par un astérisque
Comme le coup de cymbale
D’un spectacle comique
(De seconde zone)
Les emprunts faits à Gad
Et si le poème est long
J’écrirai un Nora I, II et III
Comme Richard I, II et III*

Nora m’a appris
Ce que sont les deux moitiés
D’un cerveau
Lorsque le sien
Electrise le mien
Pour lui dire
Faut pas trop réfléchir*
Bouge-toi, t’es capable
T’endors pas
Et que le mien lui souffle
Tais-toi
Te fatigue pas
Je comprends
Ou une bêtise
Qui la fait rire

Je guette
La seconde de stupeur
Puis le rire fuse...
C'est quoi cette bouteille de lait?

Nora m’a appris
Ce que sont les deux cavités
D’un cœur
Quand la première dit
J’ai même pas mal
Et que l’autre répond si
Je vais prendre le relais
Pulser, drainer
Fluidifier les caillots
Epurer le sang et te donner du rythme

En moi Nora réconcilie
L’enfant qui rit et l’adulte qui vit
La femme qui aime et l’esprit qui régente
On parle de la vie
Et des marques de vernis
On joue les crevettes
On fait les paresseuses*
Rien que des parenthèses on tourne*
Et surtout qu’est-ce qu’on rit !
Par écrit ou ensemble
Jeux de mots, pas d’esprit
Des regards qui se croisent
Une simple intonation

Un émoticone jaune
Du Gad
Et de la générosité
Sans compter

Nora elle m’a appris
Que l’amitié c’est

Comprendre sans efforts
D’un œil acéré
Ressortir les facettes

De l'autre
Qui tranchent et blessent
Pour les arrondir
Et celles chatoyantes
Qu’on méconnaît de soi
Juger quand il faut
En couperet
Et dire t’as dé-co-nné*
Elaguer les scories
Et les grands discours
La vie en équations
Qui supposent toutes
Une solution

Nora m’a donné
De la confiance en moi
Des outils, des réflexes
Et une longue-vue pour
Tracer un chemin
Où j’existe
De la légitimité
Pour dire oui ou non
Même loin elle me prête
Une oreille attentive
Un écho de rires
Une âme sur laquelle
Emincer mes pensées

Plus que ma sœur
Cœur sur le cœur
Si tu pleures, je pleure*
Avec moi toujours
Sur les lignes droites
Et les tournants
Le regard rivé à terre
Ou plongé dans le ciel
Et bientôt j’écrirai un poème
Où je l’imiterai
Parce que Nora,
C’est bien plus qu’un poème

2 avril 2007- Les mouettes

A Paris maintenant
Des mouettes
Virevoltent au dessus des têtes
Ondulent paresseuses
Sur les flots de la Seine
Ou sautillent sur les quais
Poussent un « qui?! qui?! »
Grinçant et étiré
Et dans ce cri
Nichent le bleu, le vert, le violet
Du sentier des douaniers
L’ocre et le blanc chaux
Du quartier du Panier
Les mouettes sont à Paris
Flottant au gré de vents
Qu’elles amènent de Bretagne
Qui ébouriffent les plumes
Font tanguer la mémoire
Leur cri est un ruban
Qui réunit deux ailes
D’un oiseau goéland
De Marseille à Paris

1er avril 2007- La mort

Le temps frappe
Gouttelettes de boue
Aiguisées acérées
Fouillent l'être
Un grêlon
Souvenir en cristal rond
Arrache
L'écorce du paraître
Mais à Paris
On oublie
Les spectacles
Essentiels
Instants où la lune
Siège au milieu
En équilibre précaire
Sur les lignes d’une partition
Infinie
Ou lorsque le ciel
Frôle l’eau
Et rejoint la terre
Le ventre avale le cœur
Les pieds sont enracinés
Et on est plus qu'un
Tout s'arrête se resserre
On appartient tout entier
Au poing fermé de la demi seconde
Du monde
Privé de mots
Débordant de sève
On ne pense même plus
Et je souhaite que la mort
Ressemble à ces moments
Qui figent
Comme l’unique certitude

31 mars 2007- Médiocrité

L’homme n’est plus animal
Il a étouffé
Le réflexe de survie
En milieu hostile

Pas même question de vie
Se complaît dans la misère
Intellectuelle affective
Dit je suis malheureux
C’est la faute du monde
C’est les autres
C’est elle, c’est lui
C’est pas moi
C’est faux on a tous le choix
D’essayer au moins
Oui on peut pleurer après
Dire je me suis trompé
Je n’y suis pas arrivé
Il est des existences
Qui partent de bien bas
Et remontent une pente
Vers un sommet
Convoité
Par les yeux et le ventre

Humble ou généreux
Seul ou pour les autres
Et dans le voyage
Convient même
Les vies de quelque uns

Mais il en est trop
Qui s’endorment
Sous la seringue de morphine
De la réalité
Se cachent derrière les draps
De la médiocrité, du passé
De la suffisance et de l’indifférence
Dors tranquille va
Mais tais-toi
Et ne gonfle pas tes mots
De l’aigreur agressive
De celui qui
A défaut d’essayer
Par peur de tomber
Se permet de juger

Assume au moins
Que moins téméraire
Qu’une hirondelle
Qui chante et bat des ailes
Apaise un soir d’été

De n’être rien
De ne pas peser
De ne pas exister
De ne pas prendre le risque
De vivre parce que tu pourrais mourir