9 avril 2007- Gare de Lyon

Dans un café gare de Lyon où tous les fumeurs se pressent parce qu’il est interdit de fumer depuis le 1er février… Une mère et ses deux enfants. Le premier doit avoir quinze ans, la tête de celui qui n’en revient pas, de l’enfance, un visage plein de chtars qui ne me revient pas. N’écoute ni ne voit rien de ce qui se passe autour de lui. Se trouverait parmi les détenus dans la cour de récré de la Santé que ce serait pareil. Pendu au téléphone parce que en parisien qui n’a jamais vu plus loin que le périph, il ne peut se pendre à un arbre; je ne cerne pas la teneur de sa conversation tant elle est vide. Le second a onze ans et cet âge je l’ai toujours détesté et redouté tant je le trouve bâtard: allez savoir pourquoi, je n’ai jamais su le distinguer de Louis XI, l’universelle araignée qui se hissait le long des toiles de mes rêves de gosse. Alors, les gosses de onze ans, je les repère tout de suite, ne me trompe jamais: lui, il a onze ans. Il est gros, porcin. Lui, est accroché tel une araignée à sa game boy, sa masse graisseuse, boudinée dans un jogging de velours, tressaute au rythme des obstacles virtuels. Manque de pudeur limite indécent. N’écoute ni ne voit rien de ce qui se passe autour de lui. La mère est seule, chacun de ses fils s’impose en parenthèse qui l’enferment. Des yeux, elle cherche auprès des gens qui l’entourent un regard auquel se suspendre, ses yeux divaguent. A cet instant je sens que tout s’arrête, que cette femme dans le café de cette gare vit un moment suspendu de bilan. «Je suis seule, mes enfants ne me voient même pas, qu’ai-je fait pour mériter ça, suis-je responsable ?». Peut-être ne se dit-elle pas ça, mais alors pas du tout, mais en tout cas sa main droite se crispe sur le rebord de la table. Et elle se dit quelque chose, fixement. Ses yeux s’ourlent de vaguelettes qui ne s’écoulent pas. Soudain, elle se lève, s’extirpe de son désespoir et se dirige vers les toilettes, pour aller, peut-être, vomir sa bile. Elle tombe d’un coup, s’affaisse, le fil se sa vie ploie et lâche. Comme une corde, elle gît. Le fils porcin pousse un cri parce qu’il vient de se prendre une balle, « you loose… Game over ». Le second lui demande de faire moins de bruit. Derrière eux, leur mère ne se relève pas. Et c’est tout.

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