6 juin- Le martien et l'étoile (2)

Martial s’est transformé en lézard et n’est guère surpris. Le martien, lors de ses excursions sur Terre, mute, devient l’animal qui correspond à la fois le plus à sa personnalité et à la mission qu’il s’est assigné. Pour atteindre et convaincre le gnhomme qu’il cherche, il lui faudra se faire petit, se faufiler, tout en étant capable, en lui courant le long de l’échine ou de la main, de signaler sa présence.

Il est deux heures du matin, le périphérique est désert, pas une seule voiture entre les portes d’Italie et de Bercy, fermées à la circulation pour l’occasion. Martial lève les yeux vers le ciel et voit Rossinante s’éloigner. Il rit sous cape de lézard car, glanant des renseignements sur les gnhommes, il a appris qu’eux aussi voient, chaque soir, Rossinante dans le ciel, et croient qu’il s’agit de Pégase alors que, depuis belle lurette, Pégase, imbu de sa condition de cheval mythique avec des ailes, refuse de poser le moindre sabot sur la Terre ferme et d’y effectuer le moindre convoi interplanétaire.

Roule un œil à gauche, un autre à droite, Martial traverse à la vitesse de l’éclair. Le goudron chaud, vibrant encore des trépidations de la capitale, lui insuffle un flux d’énergie. Le lézard conserve en sa peau la chaleur recueillie ici ou là. Martial connaît précisément sa destination. Il y a des millions de gnhommes et des millions d’étoiles. Sans doute beaucoup de gnhommes sans étoile et d’étoiles sans branche. Mais l’étoile en question, celle qui a conclu avec Martial le pacte, parle français et sur sa branche se posaient le moineau et les notes de la capitale, Piaf et Montand.

Martial a donc focalisé toute son attention sur Paris. Scruté la cité, écouté ses rumeurs du bout de l’antenne: Martial a compris à quel point cette ville était propice à la perte de l’étoile, en un instant, mais aussi comment, au détour d’une rue, d’un regard ou dans les flots scintillants de la Seine, on pouvait retrouver l’étoile, en un même instant. Tendant l’antenne davantage encore, dans un mouvement périlleux physiquement -mais que ne ferait-on pas pour gagner un an de poussière d’étoile et, au-delà pour honorer un deal aux allures d’i-deal?-, Martial fit le tour des musiques. Un vrai brouhaha ; toutefois, entre Nouvelle Star et électro, reggae et refrains latins, variété et techno, chansons hamburgers et chamallow, il lui sembla remarquer qu’une rengaine se frayait un chemin, écoutée, réécoutée, passée en boucle.

Accentuant encore le mouvement périlleux de son antenne, Martial entendit soudain distinctement la voix de Brel, chaleureuse, irrésistible et résolue à en découdre avec les étoiles. « Punaise, s’était alors dit Martial, j’ai oublié la musique des ghnommes! », et, non sans se tirer ses cheveux de martien par les oreilles, il s’était précipité sur l’annuaire chanteursmusiciensetcompositeursdécédés.fr... mais pas de Brel, sans doute sur la liste bleue Méditerranée, souhaitant savourer tranquillement le parfum de l’éternité. Et voilà que Martial entendait l’inaccessible étoile, avec la fonction « répéter le morceau » cochée sur I-Tunes. A un endroit précis, un seul, dans une rue vers le marché d’Aligre. Et c’est là, à son débarquement sur Terre que Martial avait résolu de se rendre.

La suite peut-être demain, mais je sens que cette histoire du martien et de l’étoile part si ce n’est en vrille, car c'est une évidence, mais en eau de boudin

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