25 mai- Pour Stéphane

Faut pas devenir vieux
On risque de devenir con
Et puis on décrépit
Dans une maison
Comme ils disent
Euphémisme
Antichambre mortuaire
Les cinglés
Les incontinents
Les handicapés
Ca sent la pisse
Le rance
Et les médicaments
On te parle comme à un enfant
Elle veut pas boire son verre d’eau ?
Allez, on va être gentille et se lever…
Je te foutrais des baffes
Et te poignarderais
Du haut de tes vingt ans
Tu veux m’apprendre la vie ?
J’en ai quatre-vingts
J’ai porté, enduré, donné, profité
Préparé des milliers de repas
Aimé des centaines de chansons
Quelques hommes, mes enfants
Des fleurs, des odeurs, la mer
Ecrit des poèmes
Tenté de partager
Changé des destinées
Mille-feuilles de tendresse
Maintenant je n’entends plus
Le cri de l’hirondelle
Je ne vois plus assez
Pour lire les histoires des autres
C’est ton tour à présent
Ecoute et regarde avec humilité
Ma mémoire en livre d’images
Et tu sauras
Que je peux encore rire
Me foutre de toi
Et puis de celle
Maîtresse du dernier mot
Et du mot dernier
Scandaleuse beauté
Mais brodeuse mal baisée
Me découpe de ses dagues rouillées
Je ne peux plus bouger
Me lever, me souvenir
On me torche le cul
On me donne la becquée
Une cuillère pour papa
Une autre pour maman
En plus faut dire merci
Et même s’il te plaît
Où sont passés mes gosses
Pourquoi m’ont-ils mise là ?
Posée sur un buffet comme une antiquité
Laissé loin d'eux pourrir leurs racines
Exsudant de détresse
Jusqu’au bout j’ai soigné
Chez moi
Mon père et puis ma mère
Leur ai tenu la main
Pour qu’ils partent tranquilles
Assurés rassurés
Je vous aime, je suis là
Juste retour des choses
Ou peut-être de bâton
Et moi je meurs ici
Sans ronronnement de chat
Dans l'odeur d'éther
D’être seule et légume
Comme si crever
N’était pas assez
Je ne suis pas malade
J’ai toute ma raison
Et c’est bien là le pire
Que pète un boulon à défaut d’une artère !
Et que dans mon sommeil
Baignée dans des songes
Pas même fanés ni décolorés
Bras d’honneur, de bonheur
Je m’endorme

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