2 mai 2007- Bribes de parc

Hier, pour ne pas déroger aux acquis sociaux de mon doux pays, je résolus de ne rien faire. Mais alors, rien de rien. J’optais pour un parc et, en paresseuse, choisis le plus proche de chez moi : le jardin des plantes.

Ingrédients
Accessoires : un chapeau, un matelas, une bouteille d’eau, un Ipod et quatre morceaux : l’Allegro de la quintette K.581 de Mozart (clarinette et cordes) parce qu’il apaise, Playground Love de Air parce qu’elle berce, Est-ce que tu aimes ? d’Arthur H et M parce qu’elle réveille de bonne humeur (sacrément même !) et A quoi ça sert l’amour ?, de Piaf et Théo Sarapo, simplement parce que.
Prédispositions particulières : résoudre de ne pas se laisser emmerder par les pigeons ni par les gosses ; ne pas craindre le soleil
Lieu : un banc, soigneusement choisi, entre ombre et lumière
Action : s’étaler de tout son long et fermer les yeux
Mais (il y en a toujours un, minimum) : il y a des gens qui courent autour de moi, arrêtez de courir, je suis fatiguée, et le roulis incessant des poussettes

Quinze minutes plus tard, je comprends que de paix je n’en aurai guère et décide de me livrer à un acte métaphysique : écrire aujourd’hui le blog de demain, non sans me demander si cela ne signifiera finalement pas que demain je serai en retard. Bref.
Couper le son, garder son casque sur les oreilles pour surprendre les conversations.

Paroles d’enfants (Juliette, Romain, Victor)
Y a quoi dedans ? Pourquoi y a des trucs ? C’est quoi des trucs ?
C’est des canards ! Je vois des canards !
Papa, quand est-ce qu’on sort de ce labyrinthe, parce que comment je fais si j’ai envie de pisser ?
J’ai chaud. Ben, marche à l’ombre

Des étrangers passent, je ne comprends rien si ce n’est le bruit des poussettes qu’ils poussent, eux aussi.

Paroles d’adultes (sans prénom, l’adulte est un concept qui bavarde beaucoup plus)
Il ne s’ouvre pas assez à l’international (avec un e ? >>> je doute)
Moi, je regarde la série Isa (?). C’est l’histoire d’une fille hyper mal sapée, vach’ment mal coiffée, avec des bagues aux dents et t’attends qu’un de ses amis ou son patron la révèlent. C’est à 18h10 sur TF1.
Ah, ben la vie est belle hein ! dit un homme en me regardant. Ta vie j’en sais rien, la mienne ça dépend. Espèce de jaloux, t’as qu’à t’acheter un matelas et tu verras qu’avant de le dérouler, il faut le trouver, se donner les moyens de se le procurer et le trimballer jusqu’ici. D’ailleurs, c’est ma mère qui me l’a donné ce matelas et avoir une mère ce n’est justement pas donné à tout le monde.
T’as vu cette fleur ? On avait la même dans le jardin, tu te souviens ? Viens, on va voir comment elle s’appelle.
Pour le plan de travail de la cuisine, j’en ai pour 410 euros
T’entends les grenouilles ?
Regarde, faut être vraiment stressée et fatiguée pour dormir comme ça. Suis pas stressée Monsieur, je ne dors pas, je vous enregistre : sacrée nuance.
Tu vois cet arbre, Victor, l’oranger des deux sages ?
Tiens, regarde le canard
Ben, moi je te parlais de lui en fait. Pas de l’autre qui m’a complètement zappée. Non, Thomas, il m’a regardée.
Ah, elle est belle la France tiens ! Bravo !
Ils l’ont dit, Ségolène 45, Sarko 52 (comment est-ce possible ?)

Pendant ce temps, j’essaie de prendre des couleurs, puis me dis que par les temps qui courent d’identité nationale, il ne fait peut-être pas bon de prendre des couleurs justement, surtout lorsqu’on cherche un appartement.
Curieusement, dans le parc flotte une odeur de poulet aux spaghettis*.

Conclusions intermédiaires
Se sentir en vacances, c’est simple. Recette : s’allonger sous un rayon de soleil, fermer les yeux, attendre que quelqu’un passe qui s’est enduit de crème solaire. Inspirer… s’assoupir.
Les canards sont l’objet de toutes les attentions. Quelle est la devise des canards ? En surface, paraître calme et serein, en dessous, pédaler comme un malade.
Remettre le son comme Katerine ("je coupe le son… je remets le son…") et envoyer le monde des autres voir ailleurs si je n’y suis pas.
"Nous irons vivre libres, dans un pays sauvage et nos armes seront l’amour et le courage. Mon ami n’ai pas peur, etc. "

Ouverture des yeux
Les papas des enfants sont jeunes
Des amoureux sages, main dans la main ou sur l’épaule, longent les allées.
Je vois enfin le mec qui court et je suis sûre que c’est le même depuis deux heures parce qu’il a le tête de celui qui court, comme ça, pour courir.
Sur un banc, il y a le deuxième ou le troisième rendez-vous où enfin il lui dit, « t’as quelque chose dans les cheveux » pour amorcer un geste vers elle, sans heurt, rompre l’espace de sa bulle. Rien de plus délicat ni de plus sincère que ce premier geste en main tendue.

Je repars avec le "tout ce qui maintenant, te semble décevant, demain sera pour toi, un souvenir de joie".
Devant la clinique Geoffroy Saint-Hilaire, d’autres roulis de poussette. D’un autre genre.

*Restituer une once de l’ambiance de cet après-midi ? Recette du poulet aux spaghettis : dans une cocotte minute, faire revenir à feu doux 2-3 gousses d’ail haché, mélangées à un pot moyen de concentré de tomate, le tout dans 3-4 cuillères d’huile d’olive. Découper un poulet en huit, planter dans sa chair 4-5 clous de girofle. Puis le faire revenir, en le retournant, 15 minutes environ dans la cocotte. Saler, poivrer. Couvrir d’eau, environ 3-4 verres normaux. Faire cuire 20mn après le sifflement de la soupape sans oublier d’humer l’odeur du parc… Ouvrir, ajouter les spaghettis, faire cuire une dizaine de minutes. Et voilà, ensuite, pure régalade.

Aucun commentaire: