22 juillet- L'écureuil bleu

Une histoire écrite il y a deux ans (cf. blog d'hier), qui suivait le portrait de huit personnages. Dernier personnage de la troupe névrotique, un écureuil volant.

Cet écureuil volant, je l’ai trouvé dans les affaires laissées par Aurèle après que nous nous soyons fâchés. Il dormait tranquillement entre les pages d’un livre, je ne sais plus lequel, mais je retrouverai. Par mails interposés, j’ai demandé à Aurèle d’où venait cet étrange petit animal. Dégradé de bleu sur tout son petit pelage, du bleu marine au bleu azur en passant par le bleu roi ou électrique (du côté de l’œil gauche, bleu également). Aurèle (qui regrette amèrement d’avoir oublié l’écureuil) me dit l’avoir trouvé dans une ruelle malfamée de New-York, aux abords d’un sex-club où il tentait, une nouvelle fois, de se fixer quant à ses orientations. Ce petit écureuil volant, Aurèle l’a vu tomber de la poche d’un personnage bien connu, Phalène, mais devant la masse dudit personnage, Aurèle a estimé qu’il saurait bien mieux s’occuper de ce petit animal délicat. Et voilà comment c’est finalement moi qui l’ai récupéré.

Il est petit, il tient dans le creux de ma main et apprécie particulièrement les grandes virées en cheval d’acier à la recherche des cybercafés. Il aime aussi s’endormir en se nichant dans le creux de mon genou droit (celui qui, d’un mouvement souple, me permet de parachever les fresques picturales dessinées par mon pied droit). Lorsqu’il s’endort, il ronronne comme un chat mais parfois il fait semblant de dormir et, alors que je m’assoupis, hop il me griffe ou me mord gentiment. Il semble très joueur.

Cet écureuil, il est petit mais je le soupçonne d’être encore un bébé écureuil, de sorte qu’il risque de grandir. Peut-être même que sa bouille va muter ? Je compulse les livres et articles sur le sujet sans trouver encore de réponse sur la taille définitive qu’atteindra ce p’tit être ni sur les transformations que pourra connaître son joli minois. J’ai seulement cru comprendre qu’il s’agissait d’une espèce particulière, fruit d’un mariage mixte entre marmotte des neiges et chat de gouttière. Sur sa p’tite tête, il a une houppe blonde et je l’imagine être « le blond » du troisième spectacle de Gad.

J’ai découvert il y a peu qu’il volait. Il semblerait que, parmi ses p’tites quenottes s’en trouve une particulière, offerte par un komodo dont il avait caressé les écailles. Le komodo souffrait depuis des années d‚une démangeaison dans le dos et ne trouvait personne, en raison de sa réputation de vilain dragon, pour le soulager. L’écureuil, candide, naïf et innocent, accepta et, en échange, le komodo lui offrit une dent. Chaque fois qu’il veut voler, l’écureuil titille cette dent et voilà c’est parti ! C’est grâce à ce procédé magique, que je n’ai pas encore identifié mais qu’il conservera tant qu’il n’aura pas donné sa langue au chat, que ce petit écureuil est parvenu, entre autres, à faire le tour du monde en 80 jours.

Bon, cet écureuil, je le découvre au fur et à mesure, et on essaie de s’apprivoiser. Il a l’air un peu timide mais il commence à gagner en assurance. Et il sait écrire ! Il est capable de rétracter ses griffes de chat pour taper sur un clavier. J’ai été surprise de voir qu’il a du vocabulaire et même du répondant, qu’il semble avoir acquis, entre autres, en s’endormant sur les mots et les histoires des quatrièmes de couverture des livres d’Aurèle. Evidemment, parfois il oublie des mots mais bon, en même temps, c’est un écureuil !

Cet écureuil ne mange pas de noisettes mais se nourrit essentiellement de sushis, de makis et autres chairs crues de poissons, ce qui me pose de sérieuses difficultés parce que je suis obligée de courir la cité sur mon cheval d’acier pour chercher de quoi le ravitailler. Parfois, je suis obligée de le laisser à la maison parce que, là où je vais, je crains qu’il prenne froid, qu’on me le vole ou qu’il tombe de ma poche. Parce que, plusieurs fois, l’écureuil volant bleu est tombé, lorsqu’il apprenait encore à voler. Depuis, il s’est familiarisé avec les chutes et ne les craint plus. Mais tout de même, je le ménage, parce que je veux tester ses limites de résistance avant de le confronter à l’extérieur et de le faire passer à l’action.

L’écureuil bleu, je le regarde comme un phénomène : en entomologiste, je l’observe. Ses yeux semblent tout le temps me sourire mais je ne doute pas du fait qu’ils cherchent aussi à me débusquer. Parmi tous les écureuils volants bleus, celui-ci a une particularité : il ne parle pas. Enfin, parfois il baragouine des trucs, du genre langue exotique que je ne comprends pas. J’ai beau le chatouiller, lui tirer les moustaches ou lui piquer la plante des pattes : rien. Mais il y a peu, miracle : une phrase ! Il m’a dit qu’il gagnait à être connu. Je lui ai alors répondu qu’on gagne toujours à être connu, et que la véritable question était plutôt : qu’est-ce que les autres gagnent à le connaître ? Il est resté sans voix.

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