15 février- Ici, mais pas maintenant

Texte retrouvé et inachevé, écriture: 14 août 2006


A Tunis, tenir à un fil, suspendue entre chaleur suffocante et souffle d'air. La fraîcheur de la villa qu’on lave à grands seaux d’eau, la nudité des pièces et des murs, le soleil qui filtre à travers les persiennes. La dalle, le marbre, le blanc. Les chats malingres errent dans les rues. Absence de hauteurs, la tête directement dans le ciel. Les feuillages verts, ponctués de rouge, d’orange et de mauve, dégueulent des murs de clôture. Les grillons, obsédants. Le soir, le claquement des sabots du mulet qui passe, dans les langueurs de la sieste salvatrice, les appels du muezzin. Les conversations, fortes, en arabe, sur fond de klaxons, de crissements de pneus, d'odeurs d'essence et d'égouts. La circulation coule en jaune des taxis. Tunis n’est pas une ville où l’on marche ; elle s’étend et la vie se distille sans quartier de prédilection. Hormis le souk, centre névralgique du tourisme. Ses quartiers huppés et fréquentés ne lui appartiennent pas vraiment : la Marsa, Sidi Bousaïd. Là où se trouve la mer. Dans la journée, on traverse la ville en voiture pour se rendre d’un point à l’autre. L’odeur des poubelles se mêle à celle des palmiers et de la chaleur du sol, entre ciment et terre battue. La ville est comme abandonnée aux chats et aux chiens. Mais la nuit, la sensation est toute autre, la ville vibre d’un bout à l’autre, comme parcourue par un fil de corde à linge. Jamais beaucoup de monde en un endroit, mais des gens partout. Fenêtres et portes sont ouvertes par lesquelles s’échappent musique, télévision et fumets. Sur leurs perrons, des hommes fument le narguilé. Ici, à 2 heures du matin, une devanture ouverte de crèmes glacées, là une boulangerie ou un épicier. La nuit n’est pas lumineuse, plutôt sonore. On peut sillonner Tunis en voiture, les fenêtres ouvertes, fermer les yeux et ouvrir ses oreilles et son nez. Les bruits, les odeurs, toute cette vie fourmillante, me titillent, m’agacent, tout est familier, je suis chez moi et pourtant étrangère. Puis je quitte la capitale. Le trajet m’émeut parce qu’il n’a sans doute jamais changé. Avant-goût du désert dans les volutes du vent tiède, petit sirocco. La route est trouée, chaotique, les gens conduisent n’importe comment n’importe quel véhicule : tracteurs, vélos, mulet ou mobylette, sur l’autoroute. L’air tiède s’engouffre, caresse mon visage. Il apporte des remugles de sable souffré et du cactus pimenté. Le long de la route, une bande de sable, à peine parsemée de quelques maisons. Des palmiers et une nuit gorgée d’étoiles. A mesure que je me laisse envahir par les odeurs, je m’assoupis. Langueur bercée par les conversations en arabe de mes compagnons de voyage. Je vais à Sousse en louage.


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