11 mars- Le poème

La poésie est partout, libellule, agrumes, pollen, particules de lumière, peau sur le lait… virevolte… saisir son évanescence. Sans forme.

En vers ou en prose, mes amis n’aiment pas les poèmes ce que je regrette amèrement, on s’en doute à la lecture de ce blog. C’est sur lui que je voudrais m’étendre aujourd’hui comme sur une plage.


Le poème est minéral, pierre précieuse ou sculpture taillée sur un bloc de pierre sans âge. Beaucoup d’outils pour le faire naître, petit ou grand : les cinq sens en alerte, conscience et inconscience en ballet, patience. Les vagues de souvenirs, faits et sensations mêlés se conjuguent au présent, parfois à l’avenir lorsque des yeux l’inspirent.


Chaque mot y prend sa place, entière. Le poème seul le met en perspective, lui octroie son épaisseur, sa polysémie, ses origines, ses sons, sa longueur et son rythme. Le poème seul confère au mot une véritable sociabilité : lui fait tenir la main de son voisin, l’enjambe ou l’isole. Alors, le mot choisi, lié ou délié, s’exprime, parle, exhale : il faut lire à haute voix, se laisser ballotter, s’endormir ou courir le long des palpitations du poème. L’association incongrue de deux mots en fait naître un troisième. En surface, quérir le sens ou plonger pour être envahi par l’essence.


Le roman, le film, la nouvelle : histoire en intrigues, personnages et péripéties. Une histoire qui touche et émeut. Le poème c’est notre histoire qu’il éveille, non celle vécue les yeux ouverts, celle filigrane de sensations qui court en mille-pattes sur l’échine de l’âme. Il fait tressaillir, frissonner une sensation oubliée. Plus les mots y sont faibles et plus ils sont forts, creusets où puiser ou se trouver. Qui n’aime pas les poèmes a fermé une porte de lui-même. On ne peut ne pas aimer les poèmes lorsqu’on aime les chansons, la musique, on n’a juste pas trouvé ses poètes ou ses poèmes. Le poème est un tableau et devrait être exposé comme tel.

Car on ne lit pas un recueil de poèmes. On en prend un, on s’en délecte, on le laisse faire son chemin, complètement. La lecture du poème exige la patience comme l’enfant se délecte longuement du berlingot. Un second, demain peut-être, ou un autre jour. Le poète, ses poèmes, c’est comme la poésie : ça se saisit, évanescent, sur l’instant. L’envie soudain d’un poème, tendre le bras, attraper le livre, ouvrir à n’importe quelle page. Le recueil de poèmes est un livre d’images mouvantes.


Pour clore, après Brauquier et d’autres évoqués sur ce blog, voici un poète à découvrir : la lecture de ses longs poèmes en prose peut sembler décourageante mais à chaque page il est un, deux ou trois mots, qui touchent. Voici ce qu’il écrit sur la poésie :

« Mais qu’est-ce que la poésie

Le proverbe ne le dit pas

Elle est peut-être je m’avance

Les sables ici sont mouvants

Elle n’est peut-être

Que ce qui ne s’oublie pas

Ce qui ne se découvre que les yeux fermés

Le jour et la nuit ensemble

Derrière une porte condamnée

Qui ne peut jamais s’ouvrir

Que si on ne la force pas

Le poète est celui-là qui ne cherche pas mais trouve

Par haute fidélité

A ce qui n’existe pas

Comme l’homme existe et s’en va. »

Georges Perros- Poèmes bleus


1 commentaire:

Anonyme a dit…

"Un sol schisté de soleil m'enrose,
m'abeille dans le jardin blanc."

Jean-Claude Renard dans: Par vide nuit avide