30 mai- Bribes de 16e arrondissement

Mon collègue Mickael travaille « ici » depuis quinze ans et il en a trente-cinq. Quinze ans qu’il vient travailler dans ce quartier du 16e arrondissement, vue directe sur la tour Eiffel, à quelques mètres du lycée Janson de Sailly. Il regarde autour de lui, tout le temps et, du coup, il connaît les gens du quartier comme si lui-même y habitait.

On se met sur le balcon, on regarde et on commente comme deux mégères, activité facilitée par une rue en permanence embouteillée, où on klaxonne, on s’engueule, on descend, où on s’arrête pour assister au spectacle. Il y a l’énorme concierge de l’immeuble d’en face qui, dès 8h30, prend place sur le capot d’une voiture garée là, au risque de le déformer, et passe sa matinée à téléphoner, un balais à la main, à dire bonjour aux résidents de l’immeuble et à commenter l’activité de la rue ou la trajectoire aléatoire du soleil.

Il y a un homme d’une cinquantaine d’années qui tient une boutique d’antiquités où il n’est jamais : toujours en train de déambuler dans le quartier, en T-shirt, un cigarillo aux lèvres, à serrer les poignes et à discuter avec les tenanciers de la brasserie, la concierge, tout le monde.

Il y en a aussi un qui, lorsqu'il sort, semble considérer l'avenue comme le podium d'un défilé pour Dior et se prend pour Aldo Maccione tout en ayant la gueule de Georges Décrières dans Arsène Lupin. Panama, costume trois pièces, chaussures en daim, parapluie à la main, il remonte la rue et, chaque fois qu’une vitrine se présente, il se jette un petit coup d’œil. Parfois, il fait même un petit entrechat discret et se retourne sur les mannequins qui arpentent le quartier.

Dans l’appartement en face de nous, une famille libanaise m’a expliqué Mickaël, travaillant vraisemblablement pour l’ambassade. Quatre enfants, trois filles et un garçon, que Mickaël a vu naître, et un défilé de domestiques : la bonne en tenue le matin, le jardinier pour les fleurs du balcon l’après-midi et, en fin de journée, défilés des précepteurs pour les enfants qui nous regardent sur le balcon alors qu’ils devraient apprendre leurs leçons. La mère est une belle femme, qui a bon goût et gesticule théâtralement lors des engueulades avec les ainées. L’appartement, il paraît, fait 150 mètres carrés a minima...

Voilà, quelques personnages de ce quartier, découverts grâce à Mickaël. Il y a aussi le facteur, dont j’ai oublié le nom, fidèle au poste depuis dix ans, et Mickaël me livre moult anecdotes sur les immeubles alentours : celui-ci a pris feu il y a quelques années, celui-là a été entièrement cambriolé, tableaux de maître dérobés, etc., celui-là a été reconstruit, avant ici, à la place de l’hôtel il y avait un restaurant… Et les anecdotes glamour... Carole Bouquet et Michel Blanc des jours entier dans la rue où on tournait "Grosse fatigue" ou "Nettoyage à sec", je ne sais plus, Zidane qui habite à côté et que l'on croise parfois à la galerie marchande, et bien d'autres puisque notre avenue, est la plus réquisitionnée pour tourner des films, dans l'axe direct de la Tour Eiffel. Régulièrement, camions et caméra se l'octroient. Alors, finalement, on bosse dans un décor de films! Et moi je ne savais pas qu’on pouvait, à force d’y venir et d’y rester, s’imprégner autant du quartier où on travaille.

28 mai

Nous allons vieillir et notre corps se transformera en véritable station météo. On dira, mon chou, j'ai mal au bras, il va pleuvoir ; couvre-toi, je perds mes cheveux ; ferme les volets, j'ai mal aux yeux il va faire chaud. Moralité, vu la récurrence du nom "mal" qui devient maux, mieux vaut choisir soigneusement son climat d’ici là.

27 mai- Mouton

Je ne mens pas et tu t’emmêles
Dans la laine ou le coton
Lénifier tes pensées
Mens-tu toi, si je m’en mêle ?

21 mai-Le coeur de Cécile

Mon amie Cécile s'est fait ouvrir le coeur
Et dedans il y avait
Du soleil, de la lumière
La douceur du silence
L'abondance d'un marché
Un beau chat nommé Dinha
Et pendant qu'elle dormait
Elle m'a prêté tout ça

16 mai- Voyage

Je me rendrai au temps
Où nous étions enfants
Pour colmater le froid
Laissé là par l’absence
D’espoirs entre tes temps
Me glisserai dans les plis
De tous tes souvenirs
Pour te les réécrire
Tout est là tu le sais
Et les identités
Se tiennent par la main
Pour ouvrir le chemin

13 mai- Phébus

Dans le train, le soleil fait la course avec moi
File dans l’eau, filtre dans les arbres
Ebouriffe la terre

Je le laisse gagner
Honore sa présence

Beau joueur, pour moi
Phébus esquisse une ligne

Mon regard divague

Fulgurante, saupoudrée d’or
La course de son char
Demeure dans mes pupilles
Jusque dans mon sommeil

9 mai

Elle m’habite
Jamais ne me quitte
Même sourde ou petite
Qui sait... dès le début
Colère

7 mai-

Pour appeler un ami
Dompter son animal
Ou jouer dans les vagues
J’aime ces cris humains
Poussés dans le lointain

2 mai- Les hirondelles

Je me souviens que l'année dernière déjà je vous avais prévenu de leur arrivée.
Alors voilà, les hirondelles sont arrivées, chez moi précisément depuis le mardi 29 avril.
Avec elles le joli mois de mai et ce matin les clochettes odorantes d'un brin de muguet.
Du ciel bleu peut-être, leur sifflement dans les airs c'est déjà du soleil.

1er mai- Pour Cédric, un brin de muguet

On ne perd que ce qu’on a eu
Ce que tu as eu est acquis

Page de ton livre

Intouchable et inénarrable

Exhale une vie durant

Un arôme, une note

En souvenirs

Souffle brise

Ou violente tempête

Et son enseignement

En piqûres de rappel

Ne pas se retourner
Pour disséquer
Laisser vivre
Le passé
En murmure
Au fond de soi


Puisqu’il faudra mourir
Seule gravité

Autant vivre d'ici là

Tenter, escalader, essayer

Naïf y croire toujours

S’élancer

A 20, 30 ou 40 ans

Conserver intacts

L’envie, l’aplomb et l’élan

De l’enfant

Savourer tout comme la première fois
Comme le premier jour de printemps
Emeut chaque fois