Il y a eu des fables, des films d’horreur, et des livres à succès (best-seller quoi) sur les fourmis. Des dessins animés également, dont un qui transforme l’insecte en fourmizzzz, pour simuler le cri martial dudit insecte. Car les fourmis crient. On les grossit pour faire peur et ça marche alors que nul besoin de grossir un être humain pour qu’il glace le sang. Et puis, grossissons une libellule ou une coccinelle, le résultat sera tout aussi effrayant. Enfant, on écrit fourmiE, tous les enfants écrivent fourmiE, affublent l’insecte d’un E comme systématiquement l’adverbe parmi se dote d’un S : parmiS. Je vis parmiS les fourmiEs. Enfant on ajoute un S à parmi parce que parmi c’est beaucoup, on donne un E à fourmi parce qu’elle apparaît immédiatement comme une entité féminine (la).
L’organisation sociale des fourmis est fascinante, fourmi des villes ou fourmi des champs, elles sont des millions à composer une colonie qui peut même devenir une supracolonie. Bref, je ne vais pas faire un exposé d’entomologie ni de sciences nat : ouvrez vos cahiers de textes ! pffff… en murmure unanime. Tutut, allez ! Pour mercredi, vous me ferez un exposé sur les fourmiEs…
J’aime regarder les fourmis courir en file indienne comme sur le long d’une corde. Si l’une se perd, elle est condamnée. Les fourmis me font penser à des Chinois : leur rythme de pattes a le saccadé de leur débit de paroles. Sur leur dos, elles portent des montagnes blanches qui tranchent avec le brun de leur petit corps. Et ça va vite, ça court, dépose, repart, l’allure ne faiblit pas. Lorsque je marche, je prends toujours garde aux fourmis et j’ai souvenir d’une colonie dans mon appartement que je ne voulais pas éradiquer. Pour s’endormir, regarder des fourmis est bien plus efficace (et plus pratique aussi à Paris) que de compter des moutons. Les fourmis sont travailleuses (contrairement à ces feignasses de cigales), infatigables et téméraires. Elles n’ont pas attendu Sarko pour se lever tôt, leur Reine les mène à la baguette (de tradition…).
Les fourmis sont organisées selon des règles sociales qui nous échappent parce qu’elles sont si petites qu’elles nous dépassent. La corde sur laquelle elles semblent marcher est peut-être l’artère d’une ville, un boulevard architecturalement orné de grains de sable en statues ou de miettes érigées en monuments. Si on observe attentivement les files de fourmis, on voit bien que leur trajectoire s’oriente autour de ronds points, de places, de ruelles, de rues et de boulevards. Alors voilà, le matin, la fourmi se lève et part turbiner. N’évoluant guère dans une société de loisirs (oui, avez-vous déjà vu un cinéma ou un complexe hôtelier chez les fourmis ?), elle bosse largement au-delà des 35 heures. La fourmi, en accord avec la nature, travaille tant que la lumière dure. Et là, intervient ma théorie : attention ! En fait, il y a deux théories.
Première théorie, la fourmi des villes, celle qui vit dans nos appartements, connaît un phénomène qui s’apparente à celui que nous expérimentons : pour nous le réchauffement de la planète, pour elles des jours et des nuits sans fin. En effet, auparavant, la fourmi des villes arpentait des ruelles sombres, aux pavés saillants et luisants de pluie, et trouvait refuge dans une mansarde parisienne éclairée à la bougie. Aujourd’hui, la lumière luit dans toutes les demeures, de jour comme de nuit et si nous, parce que nous sommes intelligents paraît-il, parvenons à conserver quelques repères, malgré la gangrène progressive des étoiles par les auréoles orange des réverbères, les fourmis, elles, sont paumées. Quand arrêter de travailler ? Quand reprendre ? Du coup, pendant la pause arbitraire, les fourmis discutent et se disent que y a plus de journées ni de nuit, pendant que nous meublons les conversations avec des y a plus de saisons. Or….si on y réfléchit bien, le plus de journée ni de nuit cultive un lien certain avec le plus de saison, tous deux étant inhérents à une dépense d’énergie : nous voici donc liés, quelque part, avec les fourmis. Comme chez nous, ce phénomène de disparition des frontières jour/nuit est surtout enduré par les fourmis de ville, les fourmis des champs bénéficiant encore de larges plages de ciel piqueté d’étoile. Cependant, les fourmis des champs encourent le danger fatal de se trouver face à un rocher énorme, noir et humide, nommé museau de chat, péril plus rare pour la fourmi des villes. Mais c’est une autre histoire, revenons à la fourmi des villes, au sujet de laquelle j’ai développé une autre théorie, tout aussi thermique.
Donc, la fourmi harassée, finit malgré tout par rentrer chez elle. La Reine, devant l’effacement des limites temporelles a pris la mesure suivante : travaillez jusqu’à l’épuisement et puis rentrez. La fourmi, épuisée, regagne son logis. Là, elle se lave, car la fourmi est très propre et ne cesse de s’enduire de molécules bactéricides. Ensuite, désinfectée, elle met ses quatre pattes sous une immense table en feuille de chêne et se régale de pucerons, d’une chenille qui fera plusieurs jours ou d’autres trucs que je ne citerai pas, car la fonction première de la fourmi, écologiquement parlant, est de faire disparaître les cadavres… En fait, la fourmi ferait un formidable personnage de polar, je la vois bien, la pipe au bec, le feutre cloué entre les deux antennes, déambuler sur les ponts glacés par la nuit. Mais non, la fourmi est crevée et ne va pas, en plus de longues journées, passer des nuits qui n’existent plus à élucider des crimes. La fourmi dîne et prend des nouvelles du monde : sur une toile d’araignée au fond de la maison, bâtie dans le recoin d’un meuble Ikéa, elle voit la Reine se projeter chaque soir, qui leur annonce la météo du lendemain. La Reine est belle, elle est fière, entre ses deux antennes, elle a un collier chatoyant de poussière de perlimpinpin.
Pendant que ses colonies assurent la survie du pays, la Reine prépare le lendemain, elle prend la température. Elle est météorologue, vit demain aujourd’hui, en dehors des temps, l’ovale de son visage ne s’altère pas. Lovée dans son fauteuil coque de châtaigne, la Reine interroge une boule de suif pour regarder le monde des hommes. Elle discerne alors des tensions dans le couple qui dirige la planète, ou des disputes à venir entre les enfants et elle anticipe. Pour vérifier ses prévisions, elle parle aux papillons qu’elle envoie survoler tout cela. Le papillon se pose sur les épaules, les mains ou les chevelures des gens, tend ses antennes au maximum et, au creux de ses ailes, recueille des paroles qu’il rapporte à la Reine. Le soir, la Reine s’adresse à la population et prévient, lance l’alerte rouge. Pluie diluvienne parce que ça va cracher et postillonner, risque de foudre en éclats d’assiette et grand danger d’avalanche de montagnes, nounours, Barbie ou camion. C’est la panique, mais faut y aller. Les fourmis tremblent mais elles sont courageuses. Il faut assurer la pérennité du royaume, car d’émigration il n’est point question, en se faisant remarquer le moins possible par les hommes maîtres de l’univers, détenteurs depuis quelques années de l’arme chimique. Assumer de fait leurs humeurs assassines. Se gorger des temps d’accalmie, bonheur tranquille des bipèdes ou départ en vacances. Autant dire donc que, chez les fourmis, il y encore, toujours, beaucoup, voire trop… de saisons.
L’organisation sociale des fourmis est fascinante, fourmi des villes ou fourmi des champs, elles sont des millions à composer une colonie qui peut même devenir une supracolonie. Bref, je ne vais pas faire un exposé d’entomologie ni de sciences nat : ouvrez vos cahiers de textes ! pffff… en murmure unanime. Tutut, allez ! Pour mercredi, vous me ferez un exposé sur les fourmiEs…
J’aime regarder les fourmis courir en file indienne comme sur le long d’une corde. Si l’une se perd, elle est condamnée. Les fourmis me font penser à des Chinois : leur rythme de pattes a le saccadé de leur débit de paroles. Sur leur dos, elles portent des montagnes blanches qui tranchent avec le brun de leur petit corps. Et ça va vite, ça court, dépose, repart, l’allure ne faiblit pas. Lorsque je marche, je prends toujours garde aux fourmis et j’ai souvenir d’une colonie dans mon appartement que je ne voulais pas éradiquer. Pour s’endormir, regarder des fourmis est bien plus efficace (et plus pratique aussi à Paris) que de compter des moutons. Les fourmis sont travailleuses (contrairement à ces feignasses de cigales), infatigables et téméraires. Elles n’ont pas attendu Sarko pour se lever tôt, leur Reine les mène à la baguette (de tradition…).
Les fourmis sont organisées selon des règles sociales qui nous échappent parce qu’elles sont si petites qu’elles nous dépassent. La corde sur laquelle elles semblent marcher est peut-être l’artère d’une ville, un boulevard architecturalement orné de grains de sable en statues ou de miettes érigées en monuments. Si on observe attentivement les files de fourmis, on voit bien que leur trajectoire s’oriente autour de ronds points, de places, de ruelles, de rues et de boulevards. Alors voilà, le matin, la fourmi se lève et part turbiner. N’évoluant guère dans une société de loisirs (oui, avez-vous déjà vu un cinéma ou un complexe hôtelier chez les fourmis ?), elle bosse largement au-delà des 35 heures. La fourmi, en accord avec la nature, travaille tant que la lumière dure. Et là, intervient ma théorie : attention ! En fait, il y a deux théories.
Première théorie, la fourmi des villes, celle qui vit dans nos appartements, connaît un phénomène qui s’apparente à celui que nous expérimentons : pour nous le réchauffement de la planète, pour elles des jours et des nuits sans fin. En effet, auparavant, la fourmi des villes arpentait des ruelles sombres, aux pavés saillants et luisants de pluie, et trouvait refuge dans une mansarde parisienne éclairée à la bougie. Aujourd’hui, la lumière luit dans toutes les demeures, de jour comme de nuit et si nous, parce que nous sommes intelligents paraît-il, parvenons à conserver quelques repères, malgré la gangrène progressive des étoiles par les auréoles orange des réverbères, les fourmis, elles, sont paumées. Quand arrêter de travailler ? Quand reprendre ? Du coup, pendant la pause arbitraire, les fourmis discutent et se disent que y a plus de journées ni de nuit, pendant que nous meublons les conversations avec des y a plus de saisons. Or….si on y réfléchit bien, le plus de journée ni de nuit cultive un lien certain avec le plus de saison, tous deux étant inhérents à une dépense d’énergie : nous voici donc liés, quelque part, avec les fourmis. Comme chez nous, ce phénomène de disparition des frontières jour/nuit est surtout enduré par les fourmis de ville, les fourmis des champs bénéficiant encore de larges plages de ciel piqueté d’étoile. Cependant, les fourmis des champs encourent le danger fatal de se trouver face à un rocher énorme, noir et humide, nommé museau de chat, péril plus rare pour la fourmi des villes. Mais c’est une autre histoire, revenons à la fourmi des villes, au sujet de laquelle j’ai développé une autre théorie, tout aussi thermique.
Donc, la fourmi harassée, finit malgré tout par rentrer chez elle. La Reine, devant l’effacement des limites temporelles a pris la mesure suivante : travaillez jusqu’à l’épuisement et puis rentrez. La fourmi, épuisée, regagne son logis. Là, elle se lave, car la fourmi est très propre et ne cesse de s’enduire de molécules bactéricides. Ensuite, désinfectée, elle met ses quatre pattes sous une immense table en feuille de chêne et se régale de pucerons, d’une chenille qui fera plusieurs jours ou d’autres trucs que je ne citerai pas, car la fonction première de la fourmi, écologiquement parlant, est de faire disparaître les cadavres… En fait, la fourmi ferait un formidable personnage de polar, je la vois bien, la pipe au bec, le feutre cloué entre les deux antennes, déambuler sur les ponts glacés par la nuit. Mais non, la fourmi est crevée et ne va pas, en plus de longues journées, passer des nuits qui n’existent plus à élucider des crimes. La fourmi dîne et prend des nouvelles du monde : sur une toile d’araignée au fond de la maison, bâtie dans le recoin d’un meuble Ikéa, elle voit la Reine se projeter chaque soir, qui leur annonce la météo du lendemain. La Reine est belle, elle est fière, entre ses deux antennes, elle a un collier chatoyant de poussière de perlimpinpin.
Pendant que ses colonies assurent la survie du pays, la Reine prépare le lendemain, elle prend la température. Elle est météorologue, vit demain aujourd’hui, en dehors des temps, l’ovale de son visage ne s’altère pas. Lovée dans son fauteuil coque de châtaigne, la Reine interroge une boule de suif pour regarder le monde des hommes. Elle discerne alors des tensions dans le couple qui dirige la planète, ou des disputes à venir entre les enfants et elle anticipe. Pour vérifier ses prévisions, elle parle aux papillons qu’elle envoie survoler tout cela. Le papillon se pose sur les épaules, les mains ou les chevelures des gens, tend ses antennes au maximum et, au creux de ses ailes, recueille des paroles qu’il rapporte à la Reine. Le soir, la Reine s’adresse à la population et prévient, lance l’alerte rouge. Pluie diluvienne parce que ça va cracher et postillonner, risque de foudre en éclats d’assiette et grand danger d’avalanche de montagnes, nounours, Barbie ou camion. C’est la panique, mais faut y aller. Les fourmis tremblent mais elles sont courageuses. Il faut assurer la pérennité du royaume, car d’émigration il n’est point question, en se faisant remarquer le moins possible par les hommes maîtres de l’univers, détenteurs depuis quelques années de l’arme chimique. Assumer de fait leurs humeurs assassines. Se gorger des temps d’accalmie, bonheur tranquille des bipèdes ou départ en vacances. Autant dire donc que, chez les fourmis, il y encore, toujours, beaucoup, voire trop… de saisons.
2 commentaires:
tu m'as fait rêver, ce soir, t'auras un bon point, mais pas une image, vu qu'il semble que t'en as déjà plein.
jai lu les autres, mais me garde celui ci pour demain. bzz
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