30 septembre- Marché

Aux heures noires des matins d’automne
Les commerçants allument les lampions aux étals
Les boules de lumière tintent et dansent au vent
Au sol les rigoles de pluie dissolvent le goudron
Le bitume se dérobe sous les pieds
Saupoudré des miasmes du monde
Les feuilles qui l’été ont chatouillé les cœurs
Pourrissent dans un ultime souffle rouge
Dans un clac on guillotine les réverbères anémiés
Dans une flaque tombent leurs têtes rouges ou blanches
Le marché est désert, ça fleure les fruits et les bonbons
Passants et marchands semblent tristes ou bien
Encore prisonniers des langueurs du sommeil
Remontent l’écharpe et le col pour le retenir
Bientôt la vie coulera le long de l'artère

26 septembre- Pédagogie

Ce soir j’ai vu un beau père, ou plutôt un père qui était beau, avec son fils, de cinq ans au plus, dans une rue du 5e arrondissement (logique, tiens et si nous grandissions par arrondissement parisien puis, une fois les vingt ans dépassés par département jusqu'au 97? Idée romanesque déposée, copyright KKhuette). Revenons... là, ici, à l'histoire... Donc je les regardais tous deux remonter la rue… bande de p'tits bonhommes va ! Mon coeur d'artichaut s'emplit de mansuétude devant cette vision car... (je règle à cet instant présent des points de supension un moment douloureux de mon passé, celui où en 5e -encore!- mon professeur de français nous mit au défi de trouver une phrase d'auteur débutant par "Car". Car... cela n'est pas français grammaticalement, affirmait-il, de débuter une phrase par "car". Il promit la récompense d'un 20/20! Wouah, 20/20 en ne faisant rien! Je me dis alors que le soir même , je relèverai le défi en demandant à ma môman, professeur de français itou et plus forte que tous les zôtres profs, de français ou pas, de m'indiquer une phrase débutant par "Car" -en trichant quoi...-. Mais, dans la demie-heure qui suivit, mon camarade de classe, Aël, trouva dans notre manuel de classe, l'extrait d'une oeuvre dans lequel figurait une phrase débutant par car. Il obtint alors son 20/20 et riva son clapet à un vrai adulte. J'appris ce jour-là à ne jamais remettre au lendemain ce que je pouvais faire aujourd'hui et à associer de manière irréversible le mot "car" à son "i" pluôt qu'a son "orni", mais j'ai l'immense plaisir, tout de suite maintenant et toute auteure que je ne suis point à débuter une phrase par "car". Attention, regardez bien) Mon coeur d'artichaut s'emplit de mansuétude devant cette vision... Car j’aime les hommes, leur pudeur, leur douceur craquelée, révélée à l’aune d’un sourire de gosse ou de l’épaule d’une femme qu’ils aiment. J’ai de la tendresse et de la compassion pour le rôle que, d’une manière ou d’une autre, à un moment ou à un autre, ils doivent endosser. Bref, revenons à ces deux là qui remontent la rue Henri Barbusse, tous deux plongés dans une conversation de mecs. Ca se sentait, ça se voyait, le genre de conversations où une femme, même maman, n’a pas de place. Comme dans les films en somme. J’étais béate devant la poésie de la scène et l’émotion que j’en dégageais, je voyais déjà le haut de mon blog, à défaut de l'affiche, orné de vers émouvants pour vous transformer en escargots bavant de larmes tout le week-end durant. Tournant la tête l’un vers l’autre, ils ne regardaient plus devant eux, gesticulant de mains et de sourires, d’yeux écarquillés d’enfants. Puis les voici arrivés à ma hauteur, si je puis dire. "Tu vois", continue le papa, "l’argent a été inventé pour ordonner les choses, pour que le monde soit plus simple. Par exemple, on a pris la tomate et on a dit, tiens une tomate ça vaut tant ". Je me suis dit alors que de trois choses l’une, soit le papa n’était pas pédagogue, soit le papa n’était pas poète, soit son p'tit bonhomme était sourdoué au point d'être en avance sur moi! Je me suis dit aussi beaucoup d’autres choses mais je les ai oubliées depuis afin de continuer à écrire.

25 septembre - Une histoire!

Je m’appelle Léa. Enfin non, enfin si, c’est simple pourtant, je vous assure. Pour les autres, je suis Léa. Pour moi et pour ceux qui me sont si proches qu’ils sont moi, je suis Leila. Durant des années, instituteurs et professeurs ont écorché mon prénom. J’étais un lait tourné, laaaaaait caillé de la. Ou bien j’étais une princesse aux oreilles en macarons de nattes. Je n’ai jamais été lait ni princesse, Leila ni Léa. Ni pays ni empire, je crois que j’étais juste comme vous. J’étais.

Vous pensez que je suis une enfant parce que j’écris comme une enfant. Que mes phrases sont élémentaires et sans vocabulaire. C’est que je pense ainsi. Ca me calme, ça m’apaise. Ma voix intérieure me parle comme si j’étais un bébé. A voix haute je ne parle pas ainsi sauf aux animaux. Je bêtifie en somme. Ca m’apaise autant que le regard d’un chien. Mes mots simples ordonnent le monde, en douceur et sans heurt. Rien n’existe tant que je ne lui ai pas trouvé un mot simple. Aucune question sans réponse non interdite aux moins de six ans. Viens, nous allons être heureux. Dis, c’est quoi nous ?

Je suis un enfant, je suis Leila, je suis Léa, je suis les autres, je suis comme vous, je suis vous. Je+je+je+je+je = nous. Nous. Nous devrions prendre garde à nous parler comme aux enfants. Doucement. Prononcer distinctement, avec des mots simples. Mon cœur, ma chérie, mon loulou, petit chou. N’aie pas peur, ne crains rien, je suis là et regarde sur le mur, le soleil dessine pour toi des morceaux de chocolat. Se ménager comme un rêve, se fâcher dur lorsqu’on fait des bêtises. Je m’appelle Léa et lorsque j’en ai décidé ainsi j’ai fait une bêtise. Je n’avais pas compris que ceux auprès desquels je pouvais décider de m’appeler je les avais choisis. Qu’on choisit les autres au gré de ce qu’on est, pas selon un prénom ni une identité mouvante. Je n'avais pas compris qu'on ne décide pas. Quel prénom désigne le pays de mon esprit ? Parfois, je suis la Marianne évanescente des paquets de Gitanes. La Marianne aux seins cancérisés, le coeur croustillé par le regard d'un chat.

Je suis Marianne. Les vacances c’est l’absence de parole. Retrouver la valeur des mots et du dire, ne plus parler pour ne rien dire sauf pour rire. Partir au plus près, au plus juste. Partir avec tout ce qu’il faut pour éviter d’adresser un mot ne serait-ce qu’à la boulangère. Economiser jusque dans les produits de première nécessité. Oui, bonjour, et pour vous ce sera ? Un euro dix, merci, bonne soirée, oui, bonjour, et pour vous ce sera ? Elle débite en boucle sa litanie stridente sauf lorsqu’elle parle aux enfants.

Après quelques jours, je recouvre l’espace de mon intégrité. Ne plus parler du tout, ça m’apaise. Ne plus parler du tout et j’entends mon pouls jusque dans mes chevilles. J’entends ma respiration en colonne vertébrale. Ne plus parler du tout, à mesure un pays s’installe qui ouvre ma bouche en sourire. Mes yeux sont des crayons de couleurs, je me tais et des paysages se précisent. Les peuples ont mes boucles brunes et courent en nomades. Dans leurs mains, sur leurs épaules ou sur leur dos, s’accrochent les animaux de ma terre. Ils s’engouffrent dans des courants de vent tiède et le soir, allongés sur le dos, tendent pieds et pattes vers la lune pour que ses rayons les massent. Puis ils s’endorment en amoureux au creux d’eux. Dans ce pays on parle avec les yeux verts ou bleus de la mer ; je n’ai vraiment plus rien à dire ni à ajouter, mieux serait insoutenable. Libérées de l'ancre des mots, les images virevoltent, se posent et je les colle. Je deviens Marianne, identité sans parole qu’on aimerait faire parler. Je deviens liberté, loin des sillons et du sang, moi Leila, je suis lait, je suis la d’une sonate, je suis Marianne, évanescente silhouette d’un paquet de Gitanes. Lorsque je reviendrai et qu'il faudra parler je serai l’enfant sans nom, de la bouche duquel sortent des pièces d’or à la place des mots.

18 septembre- Revoici, revoilà

Revoici
Le roux aux arbres et leurs feuilles au visage
Revoici un soleil revenu à la modestie

Ses rayons en pinceaux habiles
Décalquent la ville en ombres subtiles
Paris quitte la mollesse, se redresse

Revoilà
Au matin ce court moment
Où le soleil et la lune se partagent un ciel pastel
Bataille rangée de lassos roses et violets
Le souffle froid réveille, bientôt il mordra
Nez, pieds et bout des doigts

Revoici
La nuit en rideau
Fin de la représentation
Les halos des bars meurent sur le trottoir
Le froid est ma saison

17 septembre - P'tit poème

Billes, boules, bulles
Selon la main,
Sous le pull

15 septembre- Peuple

Dans la nuit bleue de mes yeux clos
Marche le peuple des dunes
Sur les collines de sable et jusqu’au lointain
Leurs robes blanches tracent mon chemin
Etoiles brillantes le long de

La feuille fragile d’une nuit bleue
Peuple des dunes, d’une main cajole le ciel
D’un souffle expire une bulle, planète blanche
Qui monte, monte, s’envole et s’assoit
Peuple des dunes, mon peuple des lunes

13 septembre- Fatigue

Fatiguée de se bagarrer
Car le bonheur loge au creux
Des instants de répit

Assez de rire toute la journée
Parce qu’au fond ce n’est pas drôle
Et qu’on ne demande jamais
Au clown de se démaquiller
Le fond est glue à mes paupières

Lasse d’écrire, ce n’est pas vivre
Les élans trop haut, les rêves trop beaux
Nous élèvent mais on descend seul

Fatiguée, égarée dans Paris
De pousser une nuit vers le petit matin

Pour qu’elle
tamise nos incapacités
colmate les fissures
Et que dans le noir, enfin, on se confie nos vérités

Pour que la mienne conserve l’éclat du soleil
Des yeux verts
Des yeux bleus
Que j'ai aimés
Je me bagarre comme je peux
Ris parce que c'est mieux
Rêve toujours de mieux
Ecris parce que je ne peux pas faire mieux
Et pousse une petite nuit vers un grand matin comme j’espère

12 septembre- Souvenir (1)

Ce matin, lors de mon trajet en scooter, j’ai croisé une horde d’enfants accompagnés d’un "mono". Alors que je les regardais traverser devant mes roues, je me remémorai un événement que je n’ai jamais oublié. Alors aujourd’hui, je vais vous raconter, en ex-clu-si-vité, et en prose (!), un morceau de ma biographie.

Je devais avoir dix ans, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins, lorsque je pris conscience, frontalement, que la vie ne serait peut-être pas aussi simple que pour le Club des 5 et que les méchants poursuivis par Fantômette n’étaient que des brigands manichéens alors que l’existence déroulerait sans doute devant moi son lot de méchants subtils. J’avais déjà émis une réserve intérieure quant à l’immortalité du chien de François (ou de Nick ?), Dagobert, lorsque mon chat Pastel avait subitement disparu de mon quotidien, transformé le soir même en un nuage que j’avais vu filer dans le ciel. J’avais également assimilé l’idée de mes déconvenues à venir dans le domaine sentimental quand, à l’école primaire, les garçons précocement en proie à des quêtes identitaires et aux marasmes de l’âme qui naissent sur une humanité féconde et éraflée, assaillaient ma petite personne de doléances alors que moi j’étais secrètement amoureuse de Fabien Guy, simplement parce qu’il était beau. Voilà, ce cadre posé pour signaler que, à dix ans, déjà, je n’étais pas née de la dernière pluie ! Lorsque…

… je partis en colonie de vacances pour faire du cheval. Au niveau des vivants, je ne me souviens d’ailleurs que de mon cheval, Haïfa, une belle femelle camarguaise. Paix à son âme, elle fut des jours durant ma première amie féminine. Le dernier jour de la colo, allez savoir pourquoi, je fus chargée d’aller avec le "mono" faire des emplettes pour notre boum de départ. La vie était encore simple, aux allures d’un supermarché achalandé de bonbons où il suffisait de désigner les paquets pour qu’un homme, grand beau et fort, les mette dans le caddie et règle à la caisse avant de ramener princesse et friandises à bon port.

Une fois la mission accomplie, j’allais me doucher. Les douches étaient une enfilade de cabines et, alors que je briquais ce corps dormant (selon l’expression de quelqu’un que je connais bien,sans que toutefois je sache si elle cultive un lien avec une belle et un rouet…), j’entendis quelqu’un pénétrer dans le couloir des douches, en claquant la porte et en hurlant. (Ici, suspense).

«Qui a fait les courses pour la boum de ce soir ?! Elle est où la coooonne qu’a fait les courses pour la boum de ce soir ?!». C’est moi, mais évidemment, je ne le dis pas tout de suite (la vie m’apprit ensuite qu’il valait mieux même parfois éviter de le dire tout court). Je finis par émettre un timide « euh, c’est moi », en ouvrant ma cabine. Nue devant une fille habillée, inculpée de quelque chose, mais de quoi ?, face à une hystérique, je pris soudain conscience que, un jour ou l’autre, aujourd’hui peut-être, je mourrai. Bref. La fille me dit, toujours en criant : «et tu t’es jamais dit dans ta p’tite tête que y avait des gens qu'aimaient pas le chocolat ?!». (C'était une petite fille qui, sûre d'elle, parlait sans aucune négation).
- …..
- …..
Alors là, non. Je ne m’étais jamais dit qu’il y avait des gens qui n’aimaient pas le chocolat. Je pris la mesure de la désespérance de cette petite fille, évincée, à mesure qu’elle ouvrait les sacs de victuailles, de la boum à venir car je n’avais en effet choisi que des friandises à base de chocolat, mais également de sa colère disproportionnée parce que bon, ne pas aimer le chocolat, c’est tout de même de l’ordre du pas possible. Je me sentis coupable et pourtant si innocente, ayant fait tout ce que je pouvais pour que mes compagnons de chambrée se régalent…Je me demandai si le ce "tout ce que je pouvais faire" était véritablement honnête et si je ne devrais pas employer le reste de mon existence à tenter d'apporter une réponse quotidienne à cette question de Damoclès. Je m'interrogeai aussi sur la capacité de mon esprit à intégrer, dans l'avenir, l’ensemble des possibles du monde, même incongrues. Comment faire pour comprendre, intégrer, voire accepter, ce que je ne peux appréhender ni même formuler ? Il y a des gens qui n’aiment pas le chocolat ! Diiingue, non ? Elle n’avait qu’à le dire aussi, en amont, qu’elle n’aimait pas le chocolat, afin que je me familiarise, à mesure de mon périple en carrosse vers le supermarché, avec cette idée affilée.

Dans cet affrontement, sans doute ai-je inconsciemment arbitré de la manière suivante cette flopée de questions : les filles, vraiment, c’est bien trop compliqué et biscornu, elles ne disent pas les choses, calculatrices comme des lionnes dissimulées dans des fourrés (ou dans des couloirs de douche) à guetter une proie qu’elles acculeront de leurs propres responsabilités et désespérances (car, ne pas aimer le chocolat, c’est dur pour un enfant).

Quinze ans plus tard, peut-être un peu moins, peut-être un peu plus, un ami (car je n’eus alors que des amis sans –e-) me dit : «mais, toi aussi, t’es une fille !». Stupéfaction, consternation, yeux ronds… A quel point tout de même, les hommes, même les êtres chers, se laissent aveugler par les apparences… ! Dix-huit ans plus tard, peut-être un peu moins, peut-être un peu plus, j’eus ma première amie avec un -e-. Et vingt ans plus tard, peut-être un peu moins, peut-être un peu plus, ce matin exactement, la résurgence de cette anecdote me fit soudain prendre conscience que femme et homme étaient autant de clivages dépassés, et que ce matin, je me trouvais surtout, à ce feu, à avoir enfin l’âge de sortir avec le mono ! Et, qui sait, peut-être même avec le prof d’histoire ?

10 septembre - Logement

Voici une visite d'appartement hier dans mon quartier...

Et voici le logement d'une araignée...

9 septembre- Palace

Les marches du Palais de Justice
Mouroir des incapacités

A communiquer

Dans un dernier souffle
S'affrontent nos infirmités

Sur les marches du Palais de Justice

Dans un ultime

râle

sanglot

silence

cri !

Les vies se rangent par responsabilités

Etiquetées, affaires classées


Un homme descend les marches
Fend le bal de robes noires

Il pleure

Regarde Paris, hagard

Remonte pour s’asseoir

Et comme un enfant

La tête enfouie dans ses bras

Il pleure

8 septembre- Horizon

J'écris pour
Croquer un horizon
Sur chaque jour

7 septembre - La mer

La mer est mon sommeil
Planer en planche ou perdre pied
Rouge ou noir, salée
Rapporte sur ma plage
En houle ou vaguelettes
Regards, figures et odeurs oubliées
Coquillages, algues ou bouteilles jetées

Eté 2008

L'été est fini, quelques images du mien, en chats et en instants... comme toujours