31 juillet- Cheminée

C'est juillet, l'homme fait un feu dans sa cheminée et je le vois brûler papiers et lettres, disposer calmement les tomes de livres dans l'âtre comme s'il les rangeait. Sans ciller, les regarde se consumer. Chemise blanche, pantalon de toile beige, pas une tache de cendre et l'échine fière, il est félin et les flammes qui lèchent ses yeux voudraient s'y poser. De la table au foyer, il fait passer les dossiers, ses mains sont longues et puissantes, de la scène se dégage un calme à peine troublé par le crépitement des bûches et je sais qu'il a enfin tourné la page du livre d'images.

30 juillet - Vacances

Ce matin a des airs de départ en vacances
Enfiler les quais comme l’A6
La brume se lève de la Seine
Et la Tour Eiffel a encore
Un nuage au bout du nez
Le soleil paillette
Un dernier regard sur Paris
On la scrute pour l’emporter
En miettes dans sa mémoire
Départ vers Orly
Trois heures plus tard
Ce sera l’ailleurs
Chaleur et nouvelles odeurs
Pas un été sans voir la mer

27 juillet- Ce matin

La Seine ce matin éclabousse
Langue mouillée de soleil
Et j'avais oublié
Que sans moi
La vie n'existe pas

26 juillet- Les mots d'un autre

Aujourd'hui, j'ai envie de partager quelques phrases touchantes de Jean-Claude Izzo:


"On se satisfait toujours de moins. Un jour, on se satisfait de tout. Et on croit que c'est le bonheur."

"Se mettre en règle avec la vie, c'était se mettre en règle avec les souvenirs"

"Aimer, c'était sans doute se montrer nu à l'autre. Nu dans sa force, et nu dans sa fragilité. Vrai."

"L'honneur des survivants, c'est de survivre. De rester debout. Etre en vie c'était être le plus fort."

"Je n'ai jamais cru que les hommes soient bons. Seulement qu'ils méritent d'être heureux."

"Le temps est essentiel dans la vie d'une femme; il est réel pour elles"

"C'est dans les moments de malheur que l'on redécouvre qu'on est un exilé"

"Comprendre est une porte qu'on ouvre, mais on sait rarement ce qu'il y a derrière"

"Je n'avais jamais su me confier. Au dernier moment, je me repliais dans le silence."

"La poésie n'a jamais répondu de rien. Elle témoigne c'est tout. Du désespoir. Et des vies désespérées."

"Aimer, c'est ça. Cette possibilité de perdre"

"Je n'en attendais plus rien de la vie. Je l'avais juste envisagée pour elle-même un jour. Et j'avais fini par l'aimer. Sans culpabilité, sans remords, sans crainte. Simplement. La vie, c'est comme la vérité. On prend ce qu'on y trouve. on trouve souvent ce qu'on a donné. Ce n'était pas plus compliqué."

"La douceur du soleil sur mon visage. c'était bon. Je ne croyais qu'à ces instants de bonheur. Aux miettes de l'abondance"

"Tenter d'élever la réalité au niveau de ses rêves"

25 juillet- Chocolat

Hier, j’étais absorbée par le bonheur jubilatoire de ronger deux ongles. Tant et si bien que j’en ai oublié mon blog ! Il faut dire que je les ai rongés méticuleusement, non sans faire preuve de ténacité, comme si la radiosité de mon avenir était en jeu. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas adonné à cette activité tout à fait salvatrice.

Aujourd’hui, j’aborde une obsession qui me hante depuis plusieurs jours : l’idée de faire fondre du chocolat. Faire fondre du chocolat constitue un moment entre parenthèses. Exemple : vous recevez des gens et décidez de faire un truc au chocolat. Tous les gestes, attraper la vaisselle, sortir les ustensiles, tamiser la farine, etc. sont accomplis mécaniquement sans pour autant être délestés de plaisir. Puis arrive le moment du… chocolat.

Certains demeureront insensibles jusqu’à la fondue finale, c'est parce qu'ils n'ont pas de coeur. Pour ma part, le briser c’est déjà écrire la parenthèse gauche. Les carrés sont petits, laissent des copeaux clairs en poussière surla table. On les casse sèchement et dans l’atome d’instant où le carré se brise, une odeur assaille les narines. Sucré âcre. Pour qu’il fonde onctueusement et parce que j’aime le briser de la paume jusqu’aux doigts, je découpe la plaquette entière, carré par carré. L'odeur reste sur mes mains.

Ensuite, deux techniques selon la recette, soit on le fait fondre à feu doux, soit au bain-marie. J’opte pour la seconde, d’abord parce que j’aime le mot bain-marie, je le trouve évocateur voire équivoque, ensuite parce que le chocolat gagne son élégance drapée de nappes dans cette cuisson. A mesure qu’il fond, s’écrit le contenu de la parenthèse. Les carrés rendent l’âme petit à petit. Résistent d’abord puis s’évanouissent, au fond de la casserole et contre des bords qui ressemblent à des murs qu’ils tentent désespérément de franchir. Raté… Intervient alors la spatule qui apprécie du bout du bois l’onctuosité et ramène au centre les carrés réfractaires pour qu’ils s’incorporent à leurs frères. L’odeur monte qui a perdu sa sécheresse. Au contraire, elle est fruitée, parsemée de parfums en duels, sur fond d’amertume. Sucrée, elle ramène dans son sillage des morceaux de l’enfance, gâteau d’anniversaire ou goûter.

La spatule touille même une fois que tous les carrés ont fondu parce que le chocolat fondu, c'est beau. Liquide, il a de la tenue, du coffre, de l’épaisseur, une palette infinie de marrons et on devine déjà l’instant où, en refroidissant, on le verra virer au brun, voire au noir et tenter de reprendre de la rigidité. Le chocolat est fier, limite hautain et j'aime tout autant l'idée de le dompter que celle de le voir honorer mon foyer de sa présence et de son parfum. Malgré tout, comme il faut cesser de jouer et/ou de s'abîmer dans la pensée pour ne pas cramer (ceci est un adage valable hors chocolat), on finit par enlever la casserole du feu. Alors on place la parenthèse droite en point d’orgue et on… lèche la cuillère ! Sur et sous la langue se chevauchent les temps, le goût du moment présent, délectable, rencontre celui où, enfant, on attendait impatiemment que le chocolat soit enfin fondu pour demander : « j’peux lécher la cuillère ?! » tout en étant déjà pressé de manger le gâteau. Contrairement à d'autres réminiscences de l’enfance, celle-ci ne se teinte pas de nostalgie; on trouve au contraire sa continuité parce que c’est toujours aussi bon : le chocolat comme la cuillère.

Toutefois, malgré la rareté de l’instant, je ne sais pas s’il est très sain, psychologiquement parlant s’entend, de faire fondre du chocolat pour rien. Pour faire fondre du chocolat et lécher la cuillère. Point.

22 juillet- Poème de mai retrouvé (27 mai)

Tout est question d’écriture
Fond et forme ne valent rien
Acte et modalités
Sans le sucre de l’émotion
Mais toute image
N’embaume à fleur de feuille
Comme un sourire
Que suspendue à la phrase
Oiseaux sur un fil
Ou notes d’une portée

Insouciant, faire ou dire, prendre et donner

Oui
Souvent
Sans raisons
Mais une raison tendue en filin
Accroche au monde
Image de soi dans un miroir
Noyée et évincée à un comptoir
On la retrouve toujours
Qui susurre à l’oreille
Dans les plis de ses lèvres
Des bribes d’histoires

Et le temps passe sans soi

Des cases, des tiroirs
Les hommes et les femmes
Alors que l’émotion humaine
Estompe les frontières


Moi, j’aimerais bien que

Tu ne sois pas à son image
Que la raison ne soit pas ton visage
Que tu écoutes et regardes
Sans circonscrire à
Un corps
Une femme
Un lieu
Et une idée de toi
Que tu ne me prêtes rien
Que je ne t’ai confié
Ne me justifie pas

Alors je remballe la raison

Et les raisons avec elle
Images en cases
J'apprends à leur tordre le cou
Celles que tu plaques sur mon dos
Sans me laisser un mot
En cape carapace
Je les digère puis les vomis

Les autres virevoltantes

Les recueille, les punaise
Escarbilles
au fond de mes yeux
Le fais grandir, les embellis
Les infiltre dans la coquille vide des mots
Comme dans un moule à gâteau
Alors la raison parce que rien n’est grave
Je la fais voler en éclats
Comme un miroir

22 juillet- Sur soie

En lisière
Un corps borde le mien
Lui octroie contours
Limites
Dans ma tête étouffe les voix
Et je peux enfin dormir
En ne rêvant que de moi

21 juillet- J'ajoute

Pour savoir la manière dont une femme vous aimera et sa façon de vivre
Offrez-lui un produit de beauté Dior ou Chanel
Et observez si, comblée elle en abuse
Ou comblée en use avec parcimonie
Plaisir immédiat ou distillé
Il en est évidemment que ça ne comblera pas

21 juillet- Rêve

Cette nuit j’ai rêvé de tendresse
Je m’en repaissais
Comme au commencement du monde

19 juillet- Rien

Rien qui ne soit fait n'existe jamais

15 juillet- J'interdis

J’interdis
A quiconque de juger
Mes élans loin de l’expérience commune
Des années
Justifier, légitimer
C’est sucer la moelle
De mon humanité
Loin de tout rapport d’amitié
Amoureux ou fraternel
Il est des pulsations asexuées
Le cœur se tend et la main n’est que suite
Celui qui s’étonne, juge, case
Et cherche le calcul
Projette ses carcans sur l’originel
A perdu une part de lui au détour d'une année
Tout taire et feutrer
Pas ça
L'amour et l'empathie
Pour ceux qui me ressemblent
Se laisser travailler, remuer
Par des émotions élémentaires
C'est être en vie
Voire lui trouver une raison

13 juillet- Bye

La prose de ce blog devient lourde comme le cri de la corneille, dépourvue de force et d’élan, champ d’automne où l’oiseau noir se pose et croasse pour faire retentir l’écho du néant. Alors ce blog part en vacances ou plutôt en parenthèses. Plonger les lettres du clavier dans la Méditerranée, l’étendue en plage et la poésie de Jean-Claude Izzo pour les ressourcer. Il est des rencontres inexplicables, intimité d'âme, esquissent un refuge, légitimité pour vivre et sentir ainsi. Immersion, voyage où rien n'existe que le dialogue essentiel. S'ancrer dans l'évanescence de l'encre pour apprendre à voler. A bientôt donc…

11 juillet- Vision platonicienne

Lorsque l’esprit poursuit
Dit je peux, je peux
Ca c'est rangé, on continue
Il est un moment fébrile
Où l’enveloppe dit stop stop
Sans moi tu ne peux plus
Rien du tout
Et parce qu’on sait qu’on va mourir
L'esprit plie et ploie dans un combat
Plié d'avance

10 juillet- Quand il fera beau

Pour poser mon âme, juste poser pour reposer, faire halte pour repartir, j’ai décidé de tomber amoureuse. Attention, méthode : tout d’abord, se mettre dans l’état d’âme de je veux être amoureuse, je vais tomber amoureuse et ça va être génial. ENSUITE, choisir l’amoureux. Rien de plus simple, je le connais déjà. Il est beau comme une évidence. Solide mentalement, bien dans des baskets qu’il ne porte pas parce que mon amoureux n’a pas de baskets mais des chaussures sublimes, il n’est pas dépourvu d’une sensibilité nichée dans des fissures très très infimes, qu’il me désignera et que je pourrai toucher du doigt. Pas béantes, pas de déchirures, pas de fossé, mon amoureux est sain parce que je le vaux bien. Autre caractéristique : mon amoureux ne prend pas le métro.

DONC, étant en état d’amourosité intense, réceptive à la chose dirons-nous, je rencontrerai très bientôt mon amoureux et, tout à fait logiquement et selon des critères objectifs, je tomberai amoureuse de lui. En somme, le processus normal. Le côté chute en moins: plutôt tomber comme sur un matelas où épancher la fatigue. Sur ce blog durant l’été, emportée par la fougue de la vague sentimentale, je n’écrirai plus que des textes d’amoooour, des poèmes flamboyants que je lui dédicacerai, et il m’enverra des mails toute la journée pour que j’oublie la boulangerie. Il écrira «ils sont beaux tes poèmes» et il me fera rire... Loin des «j’ai pas assez mal, sois cruel que je t’aime davantage, donne encore moins pour que je donne encore plus, vas-y marche-moi dessus j’adore», mon amoureux me prouvera qu’on peut avancer et se construire dans le bonheur et je deviendrai perle. (rires).

Un détail, mon amoureux sera muet (au figuré !) de sorte que notre amour ne sera que regards, lignes d’écriture et… expression corporelle. Fusain et fusionnel. Pas de mots dits pas pesés, blessants puis regrettés, ni de tergiversations mentales s’achevant sur un « mais par où ça a commencé cette conversation, j’ai mal à la tête ?» : avec mon amoureux tout sera simple (si, si !). Ce sera un homme, un vrai, qui prend des initiatives, fait des massages, des bisous pour rien du tout, attrape ma main et qui m’emmènera à la mer. Ou plutôt nous emmènera à la mer avec Nadège. Je le trouverai à m’attendre sur le pas de ma porte en ayant foutu une rouste à la vilaine voisine Francesca et il me réservera ainsi moult surprises simples et belles à faire larmoyer un ours.

Quant à moi je serai douce et gentille comme, comme euh… une tourterelle et lorsqu’un homme m’approchera je lui dirai avec superbe «mais laisse-moi tranquille***, j’ai un amoureux». Etre amoureuse me permettra de partir en vacances en images, conquête et découverte d’un pays, lorsque les premiers pas révèlent un écrin si moussu qu’il décèle encore la misère. Puis lorsque septembre viendra, on fermera la parenthèse, parce que j’aurai trois livres à écrire sur les lentilles, le vin, les chambres de commerce et d’industrie, plein de polars à lire, un blog à tenir, toujours la boulangerie et de nouvelles aventures à vivre en dehors des circuits alimentaires. Alors je n’aurai plus le temps de continuer à être amoureuse, surtout qu'être amoureux c’est galvaudé hors été. Mon futur ex amoureux deviendra donc, sans douleur aucune tant on se comprend(ra), l’amant et l’ami dans l’affection sans amour (oui, je sais selon la morale communément admise et les règles du bonheur, l’histoire finit « mal » : ça s’appelle une chute).

9 juillet-Vie quotidienne

Dans un restaurant café, ambiance cuivrée et zinquée, où il fait bon s’asseoir boire un verre seule pour regarder et écouter, j’attends quelqu’un. Les conversations effleurent l’oreille puis se retirent à la manière de la vague. Je les attrape par miettes, tends l’oreille vers certaines et ça marche. Entendre n’est qu’une question de volonté. Ecouter est une autre histoire.

«Je sais que j’en ai trop demandé, et je sais qu’il était trop tard. On a beaucoup partagé. Tu peux pas savoir, parce que je ne sais pas comment te dire». Une jeune femme, forte, parle à un ami. Pas à son ami, à un ami. Il est de dos.

A côté, une femme d’une soixantaine d’années a la voix de Jeanne Moreau, suffit de fermer les yeux pour être propulsé dans un film de Truffaut. La parole en écume de goudron. Elle n’a pas d’enfants et elle le dit à son amie qui ne pipe mot, écoute et mange, les yeux effectuant un unique trajet de l’assiette au regard de son amie. Comment ces gens se sont-ils rencontrés? Qu'est-ce qui les lie? Peut-être Jeanne Moreau a t-elle convié son interlocutrice à partager sa table il y a peu parce que chacune mangeait seule dans son coin. Ou peut-être sont-elles amies depuis quarante ans.

Menu du jour, pavé d’espadon, carottes vichy et réduction balsamique. Une heure plus tard le serveur est surpris que je le connaisse, le menu du jour ; s’il n’est écrit nulle part dans le restaurant pour être dévoilé ensurprise, il est inscrit dans mon cahier. Le cahier rouge touche à sa fin. Ne reste plus qu’une page. Durée de vie, un an, je sais précisément quand je l'ai commencé, je revis le moment. Il y en a des instants, des histoires et des adresses lovés au creux de ses petits carreaux. Lorsque le cahier est fini, tout reprendre, entrer dans l’ordinateur, revivre l'instant dont il est question et le moment de son écriture, jeter le cahier ou le donner, en commencer un nouveau.

Un groupe d’amis entre, ils sont six. Tous en couple sauf l’éternel retardataire qui se fait huer à son arrivée. Ils parlent boulot, déroulent la semaine et les phrases se croisent. «T’aurais vu sa tête !»; «Il aurait pu passer et moi ça m’a saoulée», «Ca c’est hyper stratégique.», «Oui, c’est un peu ça le gouvernement espagnol.». L’un d’eux a un t-shirt bleu roi et tient sa cigarette comme une femme qui ne sait qu’en faire. Il ne cesse de lui jeter des coups d’œil, semblant vérifier qu’elle se consume pendant qu’il tire dessus. La regarde comme s’il attendait qu’elle lui dise quelque chose. Isoler les conversations, revenir au couple d’amis du début.

«C’est marrant, je suis dans des schémas mais là je suis dans autre chose. Je sais que c’est pas le mec qui baise pas, euh…». La jeune femme cherche ses mots, navigue entre l'indicible, l'intime, les frontières et limites de l'amitié.

Le barman est bonhomme, il sourit, circule entre les tables mais son regard est vide et il percute le portemanteau. Sous coke ? Depuis un certain temps, tout le monde me paraît ivre ou sous coke. La moyenne d’âge c’est trente, trente-cinq, exception faite de Jeanne Moreau. Un cheveu s’est glissé dans l’épingle du capuchon de mon stylo et du coup j’attrape mon stylo avec un cheveu. Le stylo, l’écriture, la plage de temps à venir et déjà passée ne tiennent qu’à un cheveu. A mes pieds, les phares des voitures esquissent des taches mouvantes et humides et j’ai chaque fois la sensation qu’un animal passe.

«Mais à côté de ça, j’suis une nana. J’ai aussi conscience de mes défauts, j’essaie de les travailler », à partir de là, je perds le fil ou le cheveu, car c’est mon tour de devenir interlocuteur, de devenir conversation, objet et sujet d’écoute.
Le blog du jour était long, je sais.

6 juillet- Mal au cou

J’ai voulu en girafe tendre le cou pour voir haut, loin
Au-dessus des cimes chatouiller les nuages
J’ai voulu en tortue tendre le cou hors de ma carapace
Ecarquiller des yeux sereins devant le monde
J’ai voulu en chameau tendre le cou
Frotter ton épaule de mon nez
Que tu assèches mes paupières
Mais rien à faire
Ce matin je m’éveille
Avec le cou du lapin

4 juillet - Sans titre

La traversée de couloirs vides
Tunnels humides et noirs
Contraint à se barder
Ne plus parler à voix haute
On perd l’usage des mots

En fil l’intégrité plante
Rive les pieds au monde
Lui seul est bancal
Ne pas mentir
Ne signifie pas dire
Ni soutenir ton regard

Tunnels
Passerelles
Parois mouvantes
Semer des épines
Pour s’agripper
Aux frères d’âme

3 juillet- Départ

C’est fait Paris a dégueulé
En un flot de bile s’est écoulée
L’armée de vacanciers
Partis coloniser plages et sentiers
Ou conquis ont regagné un pays
Agrandir des rêves étrécis
Ou auprès des familles
Demeurées de l’autre côté
Flamber à la lueur de rêves éteints
Que des mirages

Partir c’est dangereux
L’absence de repères
Hisse des surfaces lisses
Aux allures de vide
Mieux vaut enfiler aisément les quais
Percevoir les bruits d’asphalte sous la pluie
S’accrocher au murmure du bitume
En mousse qui s’éveille
Là il se froisse en un souffle de soie
Et parfois le pavé heurte
Comme on bute sur les jours

2 juillet- Pour mes amis

Les copains bof
Il n’y a que les amis
Découpent ma vie en lamelles

Je les convie sur des parcelles
Partage les émotions, l’intime
Les caps et les péninsules
L’écriture, des pages de calque

Nos histoires en livres ou en live

Se gaver d’humeurs et de rires

Déambuler le long d'âmes torsadées
Recueillir phrases, notes ou pensées
Et elles deviennent deux
Autour d’un verre ou d’une table
Le long d’un boulevard ou dans un ciné
Dans un supermarché ou sur une plage
Les amis enracinent, canalisent, insufflent de l’élan

Eux seuls lestent de l’humanité
Echange en flux, ancre bleue
Tendresse et immensité
Happée par des univers je plonge
Habitée, les frôle ou les sonde
Chaque ami est pays
Et le voyage périlleux

L’amitié se passe du langage amoureux
Privée de l’éloquence d’une caresse, d’un baiser
Elle se dit en générosité, présence à point nommé
Avec des mots sans les justifier
Se mettre de côté, oublier l'ego, sa susceptibilité
Fracasser les miroirs pour pouvoir écouter
Et briser ceux de l’autre pour le faire avancer

L’ami décille les yeux
Comprend tout avant moi

Aide à monter un lit
Ne dit pas je suis là est là
Sacrifie son tube de dentifrice
Simple sain franc comme la vie
Voilà ce qu'est l'ami